Café-philo

avec

Monique FOURNIER-LAURENT et Alain MALLET

Membres du GR21 - Groupe de réflexion sur le 21ème siècle – Collectif de citoyens bénévoles
Jeudi 29 septembre 2016
" Présentation des actions GR21 "
 
Le collectif GR21 de citoyens bénévoles aux profils différents s’attaque, à son niveau et avec ses moyens, à des causes de difficulté d’insertion sociale et de réussite scolaire, dans le bassin de Creil, réputé zone sensible. Il comprend des personnes retraitées de la Poste, l’Armée de terre, la SNCF, et une enseignante en activité.

Ses atouts sont l’altruisme, la complémentarité, les compétences que chacun a acquises dans la vie professionnelle et l’envie de contribuer à la réussite des jeunes sur son territoire pour construire une société harmonieuse où chacun trouve sa place. Il démontre que nombreuses sont les actions simples et peu coûteuses à mettre en œuvre (conteurs de métiers, sessions Energie-Jeunes, parrainage de décrocheur scolaire, débats philo, organisation d’aides intergénérationnelles ou entre pairs, apport de méthodes et d’organisation…).

Le collectif nous présentera aussi les méthodes originales de réflexion créative qu’il mène avec les demandeurs (mairies, écoles…) afin de trouver des solutions à des problèmes réputés quasi insolubles. GR21 partage ses réflexions et propositions via un site web : www.GR21.fr et a publié récemment l’ouvrage : Et nous, que faisons-nous pour leur avenir ?

Ce café-philo fait suite au diner-débat du 11 avril 2013, où GR21 nous avait décrit ses premières expériences en milieu scolaire. GR21 nous décrira comment il a développé son action depuis cette première présentation.

Monique Fournier-Laurent, universitaire (recherche maths), carrière à la SNCF dans l’encadrement et la production (commerciale, exploitation, infrastructure, régionale), la direction des cadres et l'Institut du management. Alain Mallet, Ecole de l'Etat-Major, lieutenant-colonel de l'armée de terre, médiateur pénal, délégué territorial Oise de l'association AGIR.

La Terrasse, Cité internationale universitaire, Paris 14

photo n°1 - cp_fournier photo n°2 - cp_fournier photo n°3 - cp_fournier photo n°4 - cp_fournier photo n°5 - cp_fournier Photos André Chauvin  (pour agrandir une photo cliquer dessus)
Compte-rendu

« Je crois qu’il y a des résistances honnêtes et des rebellions légitimes », Tocqueville, de la Démocratie en Amérique.

Ils sont trois à venir témoigner de leur engagement auprès des jeunes. Tous militants passionnés et passionnants, ils nous font découvrir leur engagement au quotidien et nous démontrent qu’en se mobilisant on peut faire bouger les lignes et construire une société meilleure, plus dynamique, plus intégratrice.

Ces trois militants ont des profils très divers : un ancien militaire, Alain Mallet, qui, à la retraite, a pris différentes responsabilités auprès de la justice. Une ancienne responsable de la SNCF, Monique Fournier Laurent, qui s’est impliquée dans la mission locale, et un professeur en économie, Dominique Sélébam, qui a rejoint l’Education nationale après une première partie de carrière dans la presse, et s’implique dans l’orientation professionnelle de ses élèves. C’est la « magie de la rencontre », selon leur expression qui les a réunis au sein de GR21.

Ils sont partis d’un constat clair. Les jeunes en difficultés souffrent de trois maux :
- l’ignorance du milieu professionnel,
- le manque de base,
- le manque de référence aux règles.

Plutôt que de rejeter la responsabilité de ces maux sur les jeunes, la famille, l’Education nationale, les politiques, ils se sont posé la question de leur contribution personnelle dans la recherche de solution. Leur slogan, c’est que nous sommes tous responsables, et que chaque citoyen peut devenir pédagogue, « pédago citoyen » pour transmettre son expérience. Ils insistent, il est trop facile de se plaindre des jeunes générations, de leur manque de motivation, sans se poser la question de la responsabilité des générations qui sont en responsabilité.

GR21 est un collectif, pas une association. Grâce à ce statut, ses membres gardent leur indépendance et leur poids comme électeurs et contribuables auprès des élus. Ils constatent aussi qu’on peut trouver beaucoup de compétences, même dans les zones sensibles comme celle de Creil, où ils développent leur activité. Toutes ces convictions sont partagées par la publication d’ouvrages, l’animation d’une émission de radio, pédago-rando. Ils bousculent les habitudes lors de leurs rencontres avec les élus : « on ne vous demande rien, on vous propose !». Puis, ils transmettent ce terrain préparé à des associations, comme AGIR abcd (Association Générale des Intervenants Retraités, actions de bénévoles pour la coopération et le développement), qui vont pouvoir engager des actions concrètes.

Les jeunes souffrent donc très souvent d’une totale ignorance du milieu professionnel. Or, comment être motivé pour développer ses capacités s’il n’y a pas un but, un sens, qui fait que le jeune va se dépasser. Dans certains quartiers, le taux de chômage est de 60%. Comment les jeunes peuvent-ils imaginer que le travail est une façon déterminante de se réaliser, de donner du sens à sa vie ?

L’école est désarmée sur cette question. Les professeurs ont peu d’expérience du monde économique. GR21 conscient de ce problème, propose des solutions et renforce les échanges entre le monde du travail et celui de l’Education nationale. Cela se fait sous la forme de « conteurs métiers ». Ces conteurs font partager leur expérience professionnelle, éveillent la curiosité des élèves. Ils expliquent comment on peut se réaliser dans le travail, partagent leur passion. « Quand les yeux des enfants commencent à briller, une partie du chemin est faite ! ».

Bien sûr, faire rentrer l’entreprise au sein de l’école n’a pas été sans difficulté. Il a fallu 18 mois de ténacité, mais aussi de chance pour le faire. Comme le fait remarquer Alain, « la chance est la forme la plus élaborée de la compétence». Il est difficile d’avoir accès à tous les métiers, de présenter aux jeunes une palette large qui leur permette de réfléchir à leur projet personnel. GR21 a donc eu l’idée de compléter cette initiative par la création d’une « audiothèque des conteurs métiers » en collaboration avec la radio locale Valois-Multien de Crépy-en-Valois, facilement accessible aux élèves, aux parents, aux professeurs et aux conseillers d’orientation.

Faire connaitre le milieu professionnel est donc un catalyseur capital. Mais il doit se compléter par un travail sur les bases. Le nombre d’élèves sortant du système avec de graves lacunes n’est ni normal, ni tolérable. Les solutions proposées par GR21 passent d’abord par les parents, qui sont souvent ignorants des solutions existantes, et ne savent pas solliciter des aides. D’autre part, GR21 propose et assume un système de parrainage. Là aussi, GR21 a dû remettre en cause des habitudes. « Le suivi de jeunes est un métier, vous n’avez pas les compétences ! ». Mais ce parrainage donne des résultats. Il suffit d’abord d’une bonne dose d’humanité, d’attention à l’autre pour débloquer des situations d’échec, surtout si cette intervention est faite rapidement. Et comme le fait remarquer Monique, « préfère-t-on avoir la certitude qu’un enfant décroche, ou le doute de parvenir à l’empêcher de décrocher ? ».

Le travail sur les bases commence par renforcer le contact entre les parents et l’école. Sur Creil, plus de 50 nationalités sont présentes. Beaucoup de parents parlent difficilement français. Créer le contact commence parfois par un apprentissage du français pour les parents. Certains parents sont isolés, ne savent pas comment aider leurs enfants. Des « cafés parents », débats sur la violence, la relation fille- garçon, comment aider son enfant à se concentrer à l’école ou d’autres sujets importants pour l’épanouissement de son enfant, permettent d’échanger autour des valeurs de la vie en société. Un volet porte sur les règles et consiste à montrer qu’elles sont nécessaires à la vie d’un groupe.

Le débat devient passionné ; et tourne autour des questions suivantes :
  • Finalement, l’Education nationale a-t-elle évolué ? Et les problèmes que certains d’entre nous ont rencontrés en débutant une carrière d’enseignant, il y a 30 ou 40 ans, sont-ils toujours les mêmes, ou pire, se sont-ils amplifiés ?
  • Ce type de combat est-il vain ? Il s’attaque à la goutte d’eau, plutôt qu’à l’océan des problèmes à résoudre. GR21 rétorque que quand la goutte d’eau change la vie d’un enfant, c’est loin d’être négligeable, même si la société n’en est pas modifiée pour autant.
  • Quel est le rôle du politique sur ces questions centrales pour notre vie en société ? GR21 nous fait part de cette rencontre décevante avec un conseiller d’un ministre de la ville qui les reçoit pour des raisons de bienséance politique (vous êtes de telle circonscription) plutôt que pour les écouter, et construire sur leurs idées. On sent naître une frustration par rapport à cette classe politique, qui met parfois des bâtons dans les roues de certaines de leurs initiatives.


En conclusion, nos interlocuteurs partagent leurs petits bonheurs nés de ces actions. Monique nous parle de cet adolescent en échec scolaire, désormais en 5ème année de médecine, ou de cette collégienne qui lui demande si on la verra bien cette année avec Energie Jeunes au collège, car on l’attend avec impatience. Pour Alain, le bonheur est celui d’avoir le sentiment d’avoir fait son devoir de citoyen, d’homme. Et pour Dominique, il s’agit de l’ouverture de l’éducation vers le monde extérieur. On devine en l’écoutant qu’elle a conscience que l’Education nationale doit s’ouvrir vers le monde des entreprises, pour pouvoir être plus efficace dans sa mission. On imagine aussi qu’elle apprécie ce soutien extérieur. L’Education nationale ne pourra pas résoudre seule des problèmes plus larges de société. Mais si les citoyens se mobilisent, alors rien n’est insoluble.

Pour aller plus loin et découvrir les initiatives de GR21, vous pouvez lire : « Et Nous, que faisons-nous pour leur avenir », aux éditions PUBLIFRANCE.
Ou consulter le site internet :
www.gr21.fr

Compte rendu rédigé par Bruno Auger (MP 1999)