DINER-DEBAT

avec

Madame Anne-Marie IDRAC * (MP 1977) et Monsieur Hubert du MESNIL ** (MP1974)

* ancien ministre, Présidente de la SNCF, ** Président de RFF et de la FNEP
Jeudi 21 juin 2007
" Le transport ferroviaire et ses perspectives avec la grande vitesse et l’ouverture européenne "
 
Ce dîner-débat est exceptionnel puisqu’il rassemble deux éminents lauréats de la FNEP, dont son président, et les présidents des deux entreprises en charge du transport ferroviaire français, la SNCF pour l’exploitation et les services, RFF pour les infrastructures. Depuis sa création en 1997 en tant qu’EPIC, RFF construit, entretient et gère l’ensemble du réseau ferré français (un peu comme le font les sociétés d’autoroute avec leurs réseaux), tandis que la SNCF exploite les trains, les gares et assure tout les services de transport de voyageurs et de marchandises. Des conventions ont été passées entre les deux entités (et l’Etat) pour la gestion de la dette initiale et pour l’exploitation. Avec l’ouverture des réseaux européens au fret en 2005-6, puis au transport de voyageurs dans les années à venir, RFF et la SNCF doivent évoluer en interne et dans leurs relations, dans le cadre de nouvelles directives européennes. Le succès de la grande vitesse (avec le récent record à 574,8 km/h, fruit de la coopération entre RFF, SNCF et Alstom) et ses perspectives de développement à l’échelle de l’Europe, constituent une aventure qui mobilise l’ensemble des acteurs ferroviaires. Les enjeux du transport de marchandises face à la saturation des réseaux routiers et aux problèmes d’émission de gaz à effet de serre constituent aussi un défi pour la SNCF et RFF.

Anne-Marie Idrac (MP1977), ancienne élève de l'École Nationale d'Administration (promotion Simone Weil), a été de 1974 à 1995, administrateur civil aux ministères de l'Équipement, du Logement, de l'Environnement, de l'Urbanisme et des Transports, où elle occupe plusieurs postes, dont celui de directrice des Transports terrestres. En 1995, elle est appelée au gouvernement comme secrétaire d'État aux transports. Après avoir rejoint François Bayrou à Force démocrate, puis à l'UDF elle est élue députée UDF des Yvelines en 1997 (réélue en 2002), et conseillère régionale d'Île-de-France (1998-2002), et secrétaire générale de la Nouvelle Union pour la Démocratie Française (UDF). En 2002 elle abandonne ses mandats et fonctions politiques pour assumer la présidence de la RATP, sur proposition du Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin. Elle y mène la réforme du financement des retraites, le lancement de l'automatisation de la ligne 1 du métro parisien, l'instauration d'un service garanti en cas de grève, et obtient des contrats à l'étranger. Le 12 juillet 2006, elle est nommée à la présidence de la SNCF, en remplacement de Louis Gallois, appelé à la tête d’EADS.
Anne-Marie Idrac a été auditrice de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN), présidente du Mouvement Européen-France (2000-4), et est membre du Conseil d'Orientation de l'association En Temps Réel (pour le débat et la recherche), du conseil d'administration de l'Institut Français des Relations Internationales, de la Fondation Robert Schuman, et administrateur de Dexia.

Polytechnicien et Ingénieur Général des Ponts et Chaussées, Hubert du Mesnil a mené toute sa carrière au service de l'Etat, d'abord à la direction départementale d'Ile-et-Vilaine, chargé de l'arrondissement de Saint-Malo et du service maritime (1974-81), puis directeur de l'exploitation du port autonome de Marseille (1981-87), et directeur du port autonome de Dunkerque (1988-93). Il fut directeur des ports et de la navigation maritime au ministère des Transports (1993-95), puis des transports terrestres (1995-2001). En 2001 il est nommé directeur général d'Aéroports de Paris, et en novembre 2005 directeur général de Réseau Ferré de France, dont il devient président le 28 février 2007.

Cercle Militaire, Paris 8

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Compte-rendu

La présidente, en introduction, souligne le caractère exceptionnel de cette soirée marquée par l'intervention de deux éminents panglossiens. Elle rappelle que ce dîner s'inscrit dans le cadre du « fil rouge » de 2007 sur les transports ferroviaires, et qu'il fait suite au dîner-débat du 10 mai avec François Lacôte (MP1977), senior-vice-président d’Alstom Transport, présent ce soir et qui vient d'accueillir une mini-mission du Club à l'usine Alstom d’Aytré-La Rochelle. Elle invite chaque invité à présenter l’autre.

Anne-Marie Idrac présente donc Hubert du Mesnil, président de Réseau Ferré de France, et président de la FNEP, brillant Polytechnicien et qui a trois qualités:
   - c'est quelqu'un de compétent,
   - c'est un homme responsable et respectable,
   - enfin elle le considère comme un ami.

Hubert du Mesnil souligne qu'il voit souvent Anne-Marie Idrac dans le cadre professionnel, et qu’il est très heureux ce soir, dans un cadre amical, de partager des expériences professionnelles sous le thème (symbolique pour le président de la FNEP) d’"Entreprise et Performance". Il rappelle qu’au fil de son parcours, Anne-Marie Idrac a mené avec succès trois carrières : haut fonctionnaire, responsable politique et maintenant chef d'entreprise ; tout ceci en tant que femme est d’autant plus exceptionnel. En politique elle a su proposer des comportements nouveaux, en avance sur son temps. Enfin elle est une des rares femmes à avoir dirigé des entreprises leader dans le domaine du transport, de la RATP à la SNCF. Ainsi elle a fait évoluer le rôle du dirigeant, alliant énergie et générosité.

1. SNCF

Anne-Marie Idrac indique que:
   - la SNCF a 1 milliard de clients chaque année, donc on est tous ses clients et ses actionnaires,
   - en tant que présidente, elle est très sollicitée, du handicapé pour des questions d’accessibilité au citoyen qui pense que l'entreprise est déficitaire ; le court terme et le long terme, l’individuel et le collectif se confrontent sans cesse,
   - depuis sa nomination, il y a un an, elle a été frappée par l'affect très fort qui lie le personnel à son entreprise.

Le chiffre d'affaires de la SNCF est de 21 milliards d'euros avec un résultat de 695 millions d'euros, pour 220 000 employés. Un tiers des activités sont à l'international. C'est donc le deuxième groupe de transport en France (après Air France) et le quatrième en Europe (les deux premiers sont allemands). Elle est arrivée dans une entreprise qui marchait bien, sous la direction de Louis Gallois dont les efforts ont permis à la SNCF d'être bénéficiaire depuis 3 ans contrairement aux idées reçues. Celui-ci a quitté l’entreprise à cause des difficultés d'EADS qu’il a été appelé à rejoindre en urgence.

La SNCF vit des évolutions structurelles :
   - elle est en concurrence avec l'avion, la voiture, le camion, la voie d'eau, mais aussi avec d'autres entreprises ferroviaires avec l’ouverture à la concurrence européenne, décidée par Bruxelles du temps de J-C. Gayssot mais qui n’est effective en France que depuis 2006 pour le fret uniquement (prévue en 2010 pour les voyageurs). Ceci bouleverse les comportements de tous les acteurs et constitue un formidable accélérateur des changements ;
   - elle se positionne comme un groupe de services de transport terrestre pour la mobilité des personnes et des biens à travers ses 4 branches: Infrastructures, Fret, Voyageurs Grandes Lignes et Transport Public ;
   - il y a un problème d'envergure européenne voire mondiale, surtout en comparaison avec la Deutsche Bahn qui se prépare pour une prochaine privatisation et a déjà restructuré son fret, qui est vigoureux.

Anne-Marie Idrac compte faire du développement durable le fil rouge de son futur projet stratégique. A ce titre, elle vient de proposer trois axes de développement : (i) la régularité, (ii) l'amélioration de la qualité de service, et (iii) le développement externe pour trouver des relais de croissance, car le développement organique est insuffisant.

2. Réseau Ferré de France

Hubert du Mesnil rappelle que RFF est un établissement public, gestionnaire d'infrastructures, comme Voies Navigables de France (VNF) ou la plupart des sociétés d'autoroutes avant leur privatisation. RFF est au service de transporteurs, qui eux-mêmes offrent des services aux clients finaux. Comme VNF, c'est un acteur principal qui doit discuter avec de multiples acteurs indépendants afin de faire évoluer un système complexe. Tandis que VNF est l’héritage d’un service d’Etat, RFF est parti de "rien", comme une start-up, avec la différence essentielle que c'est que c'est une entité "non-désirée". RFF n'a pas été porté par une vision, mais par les contraintes européennes de l'ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire.

En conséquence, depuis sa création il y a 10 ans, l'établissement a souvent été menacé de mort, tant par ceux qui lui reprochent d'être déficitaire que par ceux qui lui reprochent d'être "complice" de la mise en concurrence du secteur. RFF est déficitaire avec un résultat net négatif de 280 millions d'euros et une dette de 27 milliards d'euros (héritée en grande partie du transfert des dettes de la SNCF), mais il est noté AAA par les banques. C'est en effet un établissement 100% public en situation de monopole alors que son principal partenaire (la SNCF) est en concurrence. Les relations entre RFF et la SNCF sont comparables à celles entre Air France et Aéroports de Paris.

Le personnel (800 salariés) est en majorité sous statut privé (80%) et il n'y a ni convention collective ni conflit social, au point qu'Hubert du Mesnil a été élu président par acclamations pour la première fois de sa vie.

RFF a trois priorités :
   - améliorer les performances du réseau ferré qui vieillit, se dégrade fortement, et est de plus en plus cher à entretenir (30 000 km ne fonctionnent pas bien) ;
   - faire évoluer les relations avec le partenaire SNCF : RFF et SNCF viennent de signer un contrat de 4 ans pour l'entretien du réseau (au lieu d'un an jusqu'à présent) pour un montant de 11 milliards d'euros ;
   - faire évoluer les relations avec l'actionnaire principal (l'Etat) afin que les décisions publiques prennent en compte la rationalité économique (cf. mission FNEP 2006: l'entreprise, l'Etat et la société civile).

3. Questions-Réponses :

3.1. La segmentation du marché
Quelle stratégie ont des acteurs tendant à privilégier la grande vitesse par rapport aux autres segments que sont les voyageurs de banlieue/TER ?

H. du Mesnil rappelle que le TGV français est une invention qui combine grande vitesse et réseau classique dans le cadre d'un réseau interopérable, contrairement à d'autres solutions étrangères. On peut avoir le sentiment que les responsables politiques ont eu tendance à privilégier la grande vitesse, très médiatique, mais ceci est très relatif et évolue. Selon les chiffres actuels, l'entretien représente 2,5 Mds €/an contre 1 Mds €/an pour les lignes nouvelles, et 1 Mds €/an sont prévus au cours des 7 prochaines années pour le réseau classique. Celui-ci pèse donc maintenant autant que le réseau à grande vitesse, qui a été privilégié dans les années passées, pour atteindre 1800 km aujourd'hui. L'équilibre entre les deux est difficile à trouver.

Anne-Marie Idrac précise d’abord que le modèle économique de la grande vitesse est caractérisé par une situation de monopole, un fort taux de remplissage et une grande densité de trafic. Ceci permet d'obtenir une rentabilité de 10%. Pour les réseaux de proximité, le modèle est celui d'une délégation de service public, sous forme de conventions avec les Régions et en Ile-de-France, le STIF. Celles-ci assurent tout juste la rentabilité, alors que c'est beaucoup plus rentable à l'étranger. Pour certaines des liaisons inter cités, il n'y a même pas de modèle économique, car il n'y a pas suffisamment de clients et aucune forme explicite de service public. Aujourd'hui la SNCF prend en charge le déficit, par péréquation, et tente de développer les trafics grâce à une politique commerciale dynamique. Dans le futur, du fait de la concurrence, la segmentation sera probablement de plus en plus fine, distinguant la clientèle d'affaires, les familles, et même le trafic ligne par ligne, ou en fonction du nombre d'arrêts, des services offerts à bord des trains, etc...

3.2. La concurrence
Quelle est la possible distorsion de la concurrence entre le transport aérien et le transport ferroviaire, liée aux redevances insuffisantes payées à RFF qui se traduisent d'ailleurs par un déficit pour cette entreprise, contrairement à Aéroport de Paris ?

Anne-Marie Idrac rappelle que le péage représente 28% des coûts de la SNCF, dans la limite supérieure des règles européennes. Pour la structure des péages, dans certains pays les coûts sont structurants, dans d'autres, c'est le taux de remplissage. Le péage est avant tout un signal économique envoyé par l'Etat, qu'il faut donc faire évoluer vers davantage de prise en compte de l'indicateur économique. RFF a envisagé à un moment un péage à la silhouette qui aurait été dangereux pour le TGV d’Alstom, et donc pour l'industrie française…

François Lacôte souligne qu'un TGV à deux étages use moins le réseau qu'un TGV classique pour un nombre de passagers identique (moins de voitures).

H. du Mesnil indique qu'à travers le péage on peut noter le déficit actuel d'Europe. En effet c'est le compromis européen donc l'harmonisation européenne qui est difficile. L'interopérabilité progresse, mais tout est bien plus lent dans le domaine économique. Le tarif du péage est régi par l'Etat puisque qu’il y a monopole. Et il ne faut pas oublier que l'infrastructure ferroviaire est bien plus onéreuse que l'infrastructure aérienne, et même que l’infrastructure routière : un client du rail paie donc davantage pour l'infrastructure qu'un client de l'avion ou de l'automobile. Toutefois le TGV est autofinancé, même si une partie du coût est couvert par des subventions régionales notamment. Enfin la dette de RFF résulte essentiellement du passé.

Quelle est la position de la SNCF concernant l'ouverture du trafic passager à la concurrence, effective depuis hier ?

Anne-Marie Idrac répond que pour le moment les opérateurs historiques ont choisi le partenariat : Thalys pour le nord (Pays-Bas, Belgique, France), l’est (Allemagne, France) avec partage de la ligne à grande vitesse entre l'ICE et le TGV. Cette coopération ressemble aux alliances dans le transport aérien (SkyTeam…) et la mise en commun des bases de données voyageurs, des correspondances…

3.3. Le fret
Pourquoi la part du fret ferroviaire est-elle réduite, alors qu'on observe une saturation du réseau routier et un taux de poids lourds croissant ?

Anne-Marie Idrac indique que le succès du transport de fret est conditionné par l'existence d'une industrie forte et d'un trafic dense sur les voies concernées. Or la France n'est plus un pays industriel et est démographiquement peu dense. Elle évoque trois pays où l'opérateur ferroviaire a réussi sa révolution industrielle :
   - en Grande-Bretagne, où les opérateurs sont privés et le trafic de fret est surtout constitué du charbon,
   - en Suisse, où le marché se partage à parts égales entre l'opérateur historique public et des opérateurs privés, avec une volonté politique très forte (financement du réseau ferroviaire, tunnels et taxation des camions…),
   - en Allemagne, pays très industriel, où l'opérateur historique possède 85% du marché, le reste étant très dispersé entre 350 petites sociétés privées souvent locales (parties terminales), et depuis peu eurovignette.

Le marché du fret se segmente avec une logistique de plus en plus variée (chimie, colis, céréales, distribution locale…). Le fret est en faillite à la SNCF, donc Anne-Marie Idrac a pris trois mois pour écouter tous les acteurs et vient de lancer un programme d'actions avec plusieurs « révolutions » :
   - plus d'écoute du client,
   - révolution industrielle, pour se concentrer sur les axes à haut débit ferroviaire et sur le cœur de métier, et favoriser les actions à forte valeur capitalistique,
   - révolution sociale visant à augmenter les heures effectives de travail, de 1100 h/an à la SNCF vers les 1500 h/an constatées chez les concurrents, et favoriser la flexibilité pour mieux servir les clients.

Dans le domaine du fret, l'action de la SNCF doit s’inscrire dans le développement durable, en veillant à faire un bilan régulier des actions lancées. Par ailleurs, il est souhaitable que se développent en France des « low-cost » ferroviaires locaux.

Le développement du fret ferroviaire n'est-il pas lié à la possibilité de privilégier les flux traversant la France : camions étrangers, desserte des centres industriels ?

Anne-Marie Idrac rappelle que le transit des camions en France est moindre que ce qu'on l'on imagine et que la majorité des parcours ne sont pas adaptés au ferroviaire. Par ailleurs, il est indispensable de définir des priorités si l'on veut réussir le haut débit ferroviaire pour le fret. Il n'y a pas, en France, d'autorité de régulation, que RFF et SNCF souhaiteraient voire naître pour la surveillance des sillons. Alors que les Pays-Bas viennent de consacrer 2 à 3 milliards € pour la création d'une ligne dédiée au fret, on se demande si un tel choix est possible en France et s'il ne faudra pas passer par l'Europe pour obtenir des ressorts que nous n'avons pas au niveau national.

A la question de savoir si la centralisation du réseau vers Paris ne constitue pas un obstacle à contourner grâce à des rocades, Hubert du Mesnil indique que le véritable problème est de définir les priorités et de savoir si l'on est prêt à laisser passer le fret avant les voyageurs, et si l'on est prêt à ne plus entretenir des lignes avec moins de 10 trains par jour et 10 passagers par train.

3.4. Développement durable
La disparition des avantages du transport ferroviaire d'ici 10 ans est-elle possible avec les progrès technologiques (pile à combustible,…) ?

Pour Hubert du Mesnil, les progrès sont intéressants mais le ferroviaire ne semble pas menacé, même s'il ne faut pas s'asseoir sur une telle assurance. Le transport ferroviaire ne répondra pas seul à l'accroissement de la demande de transport. L'Europe a commencé, ne l'oublions pas, à faire tomber les frontières grâce aux camions. La solution sera donc peut-être européenne, en acceptant de payer plus cher le transport. En effet est-il aujourd'hui acceptable que les camions paient des péages proportionnellement inférieurs aux voitures (vis à vis de l’endommagement et de l’occupation du réseau) sur les autoroutes ? Il faudra faire preuve d'innovation pour le fret, comme cela a déjà été fait pour les voyageurs avec la diversification entre TGV, TER, la réservation par Internet, etc.. Ne peut-on imaginer un fret rapide, un fret cadencé ? Le fret qui n'a pas bénéficié de la même pression d'innovation que le transport de voyageurs devrait tirer profit de l'arrivée de nouveaux opérateurs qui vont apporter un souffle nouveau.

Pour Anne-Marie Idrac, le progrès technologique ne favorise pas en tant que tel l'un ou l'autre moyen de transport. Chacun doit évoluer. Le levier est à chercher vers le souci de développement durable et les aspects sociaux. Ainsi les routiers font beaucoup plus que 1500 h/an et les camions ne paient par leur part sur les autoroutes. Ceci devra évoluer dans le futur.

3.5. Management du changement
Quels chantiers doivent être lancés et quelles sont les réalisations dont nos invités sont les plus fiers ?

Anne-Marie Idrac répond que sa plus grande fierté est d'avoir réussi la réforme du système ferroviaire en 1997 (en tant que secrétaire d’Etat aux transports, ndlr) avec le désendettement de la SNCF et la décentralisation du transport régional. Elle rappelle que ceci s'est fait dans un souci d'expérimentation avec 5 régions pilotes et la possibilité de modifier/corriger les orientations à partir du bilan de ces expériences. A la RATP, sa plus grande fierté est d'avoir réussi à lancer l'automatisation d'une ligne en allant au contact des salariés et des clients, ainsi que d'avoir incité le management à faire de même.

Hubert du Mesnil est fier d'avoir restauré à ses salariés le sentiment d'appartenir au monde de l'entreprise, avec ce que cela implique comme possibilités de changement et de libération d'énergie créatrice.

3.6. Climat social
A la question de savoir si le climat social peut s'améliorer ou se dégrader, Anne-Marie Idrac rappelle que les concurrents sont les meilleurs stimulants. Elle préfère d'ailleurs parler dans son entreprise de "concurrents", car ceci est concret, plutôt que de concurrence, mot qui conduit en général à des positions idéologiques. Elle constate que les résultats de la SNCF sont positifs depuis 3 ans, qu'une caisse de retraite a été créée pour les cheminots, même si on en a peu parlé dans la presse, et qu'enfin depuis l'an dernier il y a eu très peu de grèves, alors que c'était courant lors de chaque arrivée d'un nouveau patron. A ce titre elle souligne que le passage aux horaires d'été s'est opéré cette année sans mouvements sociaux.

Par contre, elle n'exclut pas de grandes difficultés pour la résolution sociale du problème du fret, et pour cela elle incite l'ensemble des responsables à aller sur le terrain. Pour finir, elle souhaite tirer l'entreprise vers le haut par le développement durable, en constatant que c'est une entreprise formidable.

4. Conclusion

La présidente du Club remercie les intervenants pour la qualité de leurs exposés, qui lui ont rappelé l'évolution vécue à la Poste : régulation, infrastructures, ressources humaines, Europe… Elle souligne qu’ils ont su nous "transporter", et que chacun a su respecter les horaires afin maintenant de cultiver d'autres "sillons" en ce soir de Fête de la Musique. Elle remercie chacun pour son sens de la convivialité et espère que cette soirée incitera chacun à libérer les énergies.
Jean-François Cuvier (MP1975) et Alain Dubail (MS1993)