DINER-DEBAT

avec

Monsieur Joël MARTIN

Ingénieur-chercheur en physique nucléaire, expert en contrepèteries
Mercredi 20 octobre 2004
" L'art et la science du contrepet "
 
Joël Martin, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure (Ulm), est ingénieur en physique nucléaire ; il travaille au Commissariat à l’Energie Atomique, Département d’Astrophysique, de physique des particules, de Physique Nucléaire et d’Instrumentation Associée (DAPNIA) ; il est porte-parole de ScintillationS, le journal du DAPNIA.
Joël Martin est également pianiste et clarinettiste, et a joué dans plusieurs orchestres, dont l’AFREUBO (Association Filharmonique des Résidents et Etudiants des Ulis, Bures et Orsay), dont les 120 exécutants forment l’harmonie la plus diplômée de France.
Depuis vingt ans, il tient la rubrique « Sur l’Album de la Comtesse » dans le Canard Enchaîné. Il a publié une dizaine de livres sur le sujet de ce dîner-débat, dont La Bible du Contrepet, aux Editions Robert Laffont, collections Bouquins, qui comporte 2 000 contrepèteries du patrimoine et 18 000 contrepèteries nouvelles.
A l’issue de sa conférence, vous saurez détecter, traduire et fabriquer des contrepets sans qu’aucun mot « tabou » n’ait pu froisser les oreilles les plus délicates.

Chez Jenny, Paris 3

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Compte-rendu

Présentations de Joël Martin :
1.
Initiation
2. Astropètries contrephysiques ou leçon d'astrophysique
3. Contrepétries médicales


La Comtesse de Ségur aurait pu vous raconter ce charmant dîner si elle savait que vous n’étiez guère restés de grands enfants à l’esprit perverti. En effet, je sais bien que vous avez voyagé de par le monde, tenu votre plume pour faire de beaux rapports (parfaitement inoffensifs), appris à lire des grands auteurs, mais la Comtesse du Canard Enchaîné est redoutablement plus difficile que celle de Ségur.

Remarquez, nous étions prévenus, puisque la dite Comtesse nous avait déjà fait l’honneur de sa présence à notre table dînatoire quelque part dans les années nonante, lorsque je n’étais pas encore membre de votre confrérie. Pour 2004, le gratin du club était présent : malgré la pluie, notre trésorier Philippe 1, jamais collé était parvenu jusqu’à notre table sans être mouillé ; Bernard, du Laboratoire des Ponts et Chaussées et webmestre dans tous ses états, annonce qu’on va déballer nos sites... Seule Sabine, manquait à l’appel. Bref, du beau monde je vous dis, même si un malotru au début du repas osa interpeller le maître de séance en lui lançant à la cantonade : « goûtez-moi cette farce » !

Lecteur régulier – mais non assidu – du Canard Enchaîné, je fais partie de ces passionnés qui se plongent dans l’album hebdomadaire de la Comtesse avant même d’avoir déclamé l’édito de la semaine. C’est avec un plaisir parfaitement feint que j’ai eu l’occasion d’entendre ladite Comtesse décrire son savoir sur les contrepèteries, c’est-à-dire les lettres (belles ?) qu’on pétrit. L’exercice se veut simple : inverser deux lettres entre deux mots présélectionnés pour altérer une phrase qui prend un nouveau sens, allant du déplacé au plus salace. Vous pourrez choisir deux consonnes, deux voyelles, deux syllabes : le registre technique est assez large, et selon la Comtesse, la langue française se prête bien à cet exercice car elle est relativement atone. Vous vous attendez à trouver un /art des lettres, mais Joël Martin - alias la Comtesse – est d’abord un scientifique (osez la lecture de l’intro) : « un physicien à la traque de l’infime » ! La recherche du contrepet l’a mordu vers 1978…et il prit ensuite la succession de Luc Etienne – qui inventa le mot contrepet – à la rubrique du Canard Enchaîné…En bon scientifique, il expose une méthode systématique et rigoureuse pour créer des contrepets : placer un mot à l’origine et faire muter en axe des ordonnées les voyelles et en axe des abscisses les consonnes. Ceci permet une recherche systématique des correspondances vocaliques ouvrant le champ de création de contrepets. A ce stade le charme est un peu rompu. On peut même y ajouter la troisième dimension – au tableau, cela devait ressembler à des choses vues il y a très longtemps en classe de terminale, genre espace vectoriel - et le génie de la création verbale devient infini. Mais vous avez carrément mal à la tête. Par contre la sensibilité aux bons mots reste de l’ordre de l’intuitif… C’est donc quand même un art…l’art de décaler les sons.

Bien que destinés à être lus (fait de civilisation), les contrepets sont d’abord un art oral et Joël Martin – en tant que mélomane – nous sensibilise à cette dimension de l’oreille intellectuelle pour décoder les meilleurs contrepets : trop de visuel, de lecture fait parfois obstacle à un bon décodage des meilleurs contrepets. On décode alors fort minablement. Laissons donc l’oreille voir ce qui doit être lu pour que le contrepet soit compris ! Œuvre culturelle et cultuelle, la Comtesse défend la langue française, car elle est intraduisible et a reçu à ce titre les félicitations d’un ex-ministre (de la culture) dont on taira le nom. Tous les genres se prêtent à l’exercice : l’espace (thème normal pour un astrophysicien) qui vous rappelle que la navette décolle et que le panneau raffermit l’orbite. Pensez même aux impôts : vous pourrez vous justifier par un courrier expliquant que vous n’avez jamais entassé de pécule.

L’art quelque peu salace du contrepet vous incommode ? Rassurez vous, de manière très sérieuse et didactique le contrepet existe aussi pour les enfants et Joël Martin écrit également à leur intention. Des ouvrages d’ailleurs repris par certains orthophonistes pour le travail des syllabes. Evidemment le nature revient au galop : grâce à la lecture de tels ouvrages, tous les bambins devenus grands ne diront plus jamais : « j’ai eu des ennuis dans la vie ».

Un conseil que je n’ose jamais mettre en pratique : si vous calez sur un album un peu récalcitrant, Joël Martin vous invite à contacter le Canard Enchaîné pour avoir la réponse. Vous n’aurez plus cependant le plaisir d’entendre des cochonneries au téléphone, car le journal a renoncé à vous faire répondre par des standardistes… sous peine de faire ressembler ce prestigieux hebdomadaire à une offre de certains services spécialisés.

Vous vous demanderez bien entendu pourquoi la Comtesse s’appelle la comtesse ? Et bien, il y eut une comtesse qui, un jour, prêta son nom à ladite rubrique du Canard Enchaîné afin de déplaire à un mari – comte de son état – dont elle divorçait. La famille ayant protesté contre le stupre dans lequel le nom de la lignée était noyé, celui-ci fut supprimé à jamais et nous devons vivre avec un album d’une Comtesse devenue anonyme.

Pour rencontrer Joël Martin, je vous recommande un bon dîner : car comme il nous le rappelle, « Joël Martin c’est vraiment mortel à jeun ». Mais attention mesdames à la « main aux jarretelles ». Et pour finir la soirée, « Messieurs, que votre verbe soit en joie ! »

Si vous voulez relire cet article, je vais vous laisser le fichier ! Et pour finir : « La caille couve au coin d’un pont 2 ». Vous apporterez à Joël Martin la solution lors de notre prochain dîner. Dans l’attente faites de beaux rêves, car ce contrepet vous garantit de nombreuses nuits blanches et n’oubliez pas : le contrepet ne se méfie pas de la contrefaçon, comme dirait la télé.
Xavier Delvart (MP 1993)
1 Pour remplir les caisses et alimenter les fonds, aboulez vite des chèques à Mollet.
2 Cette phrase est un « faux contrepet »… qui en est lui un vrai !!

Commentaire de J. Martin : "Je ne me sens nullement berné par votre site."