DINER-DEBAT

avec

Monsieur Patrick WERNER

Président du directoire de la Banque Postale
Mercredi 26 avril 2006
" Création de la Banque Postale "
 
Agé de 52 ans, Patrick Werner est diplômé de l’IEP de Paris, ancien élève de l’ENA et inspecteur des finances. Il a commencé sa carrière en 1980 comme chef du service de l’audit interne à la Caisse des Dépôts en 1980. En 1983 il devient membre du directoire et directeur général de C3D, holding des filiales de la CDC. Directeur général du groupe d’assurances Victoire, de 1991 à 1995, il rejoint la Fédération Française des Sociétés d’Assurances en 1996, en qualité de directeur général, puis vice-président délégué général en 1997. Patrick Werner devient directeur général délégué du Groupe La Poste en 1998. Il est également Président d’Efiposte (entreprise d’investissement, filiale à 100% de la Poste), président de SF2, société holding détenant les filiales et participations du Groupe dans les activités financières et président d’Assurposte, filiale commune de la Poste et de la CNP. Patrick Werner préside également le conseil de surveillance de Sogeposte, société de gestion des OPCVM de la Poste. Aujourd’hui il est président du directoire de la banque postale.

Née le 1er janvier 2006, La Banque Postale « invente une autre façon d’être une banque, à la fois efficace, rentable et accessible à tous » selon Patrick Werner. « C’est une banque professionnelle, mais une banque pas comme les autres… notamment par le respect des valeurs postales qui lui inspirent une certaine manière de faire le métier bancaire : simplicité, proximité et accueil de tous ». Cependant La Banque Postale s’ouvre, à égalité avec ses concurrents, dans les règles communes de marché. M. Patrick Werner nous racontera l’histoire de la construction de La Banque Postale, avec ses valeurs fondamentales, son mode de fonctionnement (et notamment son articulation avec les autres « métiers » de La Poste et avec le réseau des bureaux de poste), les réactions du secteur bancaire et des autorités de régulation et…. celles du public depuis sa création toute récente.

Cercle Militaire, Paris 8

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Compte-rendu

Monsieur Patrick Werner est président de la Banque Postale, qui est de fait la 3ème ou 4ème banque française, selon le critère retenu. Il est aussi inspecteur des finances, comme nombre de ses collègues. La banque qu'il dirige s’appelle tout simplement la Banque Postale. Cette banque est jeune, car elle fut créée par la loi du 20 mai 2005. Elle est donc toute neuve, presque une baby banque !

Vous avez certainement toujours su qu’on pouvait avoir un compte à La Poste – et ceci depuis fort longtemps – mais si la Banque Postale ne vous est pas encore vraiment familière, c’est que vous ne faites pas partie des 23 millions de personnes auxquelles le président Werner a adressé un faire-part de naissance en décembre dernier, un peu avant les fêtes de fin d’année.

D’ailleurs, qu’est-ce qu’une banque postale ? Une poste qui serait devenue une banque ou une banque devenue une poste ?

Par une opération légale - que le contrat de plan définissant les relations entre le groupe La Poste et l’Etat, signé en janvier 2004, n’avait pas anticipée - et profitant de l’opportunité d’une « loi sur la régulation postale » qui passait par là, La Poste a individualisé ce qui fut longtemps désigné par le terme technique de « services financiers de La Poste ». A peine créée, cette nouvelle banque possède donc 9 % du marché de la banque de détail – ou retail banking pour faire chic -. Les banques rassemblées au sein de la Fédération Bancaire de France (FBF) l’ont accueillie avec sérénité, maintenant qu’elle fait partie du « club ». On a même proposé à M. Werner de présider le comité de lutte contre le blanchiment d’argent.

Le « certificat de naissance » (l’agrément du comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement) lui fut délivré sans réserve, ainsi que (on le verra ci-après) le « nihil obstat » de Bruxelles. Ce fut donc une naissance heureuse, grâce au travail acharné de près de 300 personnes au sein du groupe La Poste.

Pourquoi donc une nouvelle banque dans un paysage français que l’on présentait à une certaine époque comme surbancarisé ? Deux raisons : l’une externe, l’autre interne.

Commençons par l’interne. La Poste est depuis longtemps une dame financière : on peut même dire qu’avec le Crédit Lyonnais, elle a initié le citoyen français à l’usage du « compte bancaire » et en 1970 elle détenait plus de 20 % de parts de marché bancaire, lequel était il est vrai plus simple en nombre de produits.

Héritage de cette époque, 85 % des personnes âgées de plus de 70 ans ont aujourd’hui un compte à La Poste mais seulement 25 % des jeunes. Autre handicap, La Poste n’est pas prêteuse et aime « les fourmis », même si le président de la Banque Postale nous rappelle qu’elle pratique depuis longtemps le découvert, qui est une forme de crédit.

Mais faute d’un accès au « vrai crédit », c’est-à-dire au métier de banquier, une telle structure de clientèle condamnait nécessairement La Poste à une érosion constante de ses parts de marché dans les activités de services financiers. Bref, les services financiers de La Poste étaient condamnés à une mort lente et certaine. Pour avoir accès a ce qui permet de fidéliser le client : le crédit, La Poste se devait de devenir une banque.

La raison externe s’appelle Bruxelles, où règne d’une façon néerlandaise sur la Direction de la Concurrence la Commissaire Européenne, Mme Nelly Kroos. Et la concurrence aime peu (voire pas du tout) les risques de subventions dites croisées entre activités de service public et les activités concurrentielles : bref difficile de garder sous un même toit juridique les activités financières et les activités courrier, argument que les banques françaises utilisèrent pendant longtemps pour empêcher cette création. Bruxelles considéra l’heureux événement comme « une étape vers plus de transparence dans le marché bancaire français ».

Que dire de la naissance ? Le plus étonnant, selon le président de La Banque Postale, fut l’extraordinaire fluidité avec laquelle les anciens services financiers de La Poste, qu’il dirigeait depuis 1999, basculèrent dans leur nouvelle identité et la façon dont les automates financiers postaux accueillirent le chaland – dont M. Werner - dès la première heure, au 1 janvier 2006, avec leur nouveau nom.

La nouvelle venue se doit d’être « comme les autres » : son personnel se trouve être soumis aux dispositions statutaires qui régissent les employés de banque, mais la majeure partie (y compris les conseillers financiers et le personnel du back-office) reste affectée à La Poste, et travaille pour le compte de la Banque Postale par le biais de facturation interne, des « contrats de services » régissant les relations entre ces deux entités. Le paradoxe de cette nouvelle banque : elle se trouve de par sa structure bilancielle dotée du meilleur ROE – return on equity – de la profession. Aujourd’hui, il va falloir prouver sa rentabilité et améliorer son coefficient d’exploitation, préoccupation majeure de la nouvelle banque.

Comme toute jeune institution à la pointe de la modernité, la Banque Postale réclame l’accès au crédit à la consommation : on pariera que cela ne saurait tarder. C’est aussi une banque qui détient une part de marché de 50% chez les plus défavorisés : une banque généreuse donc ou simplement « vertueuse ». Car notre invité souligne que la Banque Postale, de fait assure une fonction de lutte contre l’exclusion, dans un pays qui a du mal à admettre la pauvreté. Une banque qui se voit aussi lestée de 3 milliards d’euros de charges, dont plus d’un tiers au titre des avantages inhérents à l’étendue capillaire du réseau postal, notamment dans les zones rurales.

La banque est un métier d’argent et certains panglossiens s’enquirent de l’éventuelle ouverture du capital de la banque postale. Le sujet, c’est entendu, n’est pas à l’ordre du jour. Laissons la Banque Postale grossir un peu - afin de valoir plus cher - et la voie du mariage pour cette nouvelle née pourrait être celle de l’Europe, même si dans les autres pays d’Europe, les banques postales ont parfois connu des évolutions les ayant conduit loin de leur berceau d’origine. Mais la Postbank allemande, en pleine croissance, ou le Bancoposta italien pourraient être des prétendants dignes d’intérêt parce qu’ayant le même code génétique.

La Banque Postale n’est pas, cependant, réellement une nouvelle née. C’est même une très vieille dame qui pouvait offrir à chaque bébé de France un livret de caisse d’épargne : ce sujet d’un « monopole » sur le livret d’épargne défiscalisé est encore au cœur de bien des discussions bancaires françaises mais n’a été évoqué par aucun panglossien, respectueux sans doute de cette vielle dame.

Cette vieille dame en effet, techniquement appelée « services financiers de La Poste », avait eu bien du mal à se faire reconnaître et admettre dans le club bancaire français. Une reconnaissance qu’un haut fonctionnaire à Bercy m’avait un jour prédite mais « lorsque la dame aurait à sa tête un inspecteur des finances ». C’est chose faite quinze ans plus tard, conformément à la prédiction.

A ceux des panglossiens qui demandaient (déjà) un bilan depuis l’ouverture, et notamment la réaction de la clientèle, M. Werner expliqua que pas un seul de ses 23 millions de clients ne s’est plaint d’avoir été « basculé » dans la Banque Postale, ce qui n’est pas peu dire…

On remerciera notre invité d’avoir répondu directement et d’une manière diserte et chaleureuse aux questions parfois un peu frontales des panglossiens. M. Werner ne manqua pas de saluer l’un de ses prédécesseurs à la tête des services financiers, M. Don Jacques Luciani, panglossien de son état.
Xavier Delvart (MP 1993)