MINI-MISSION A L'ETRANGER
, Mai%202005
La Slovénie après son entrée dans l'Union Européenne

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Visites de sites
   1. Lipica, patrie des Lipizzans

L’histoire débute avec la fondation par la monarchie austro-hongroise de l'Ecole espagnole de Vienne en 1572 (espagnole par l'origine des chevaux andalous). En 1580, l'empereur Charles VI crée le haras de Lipica, au nord de Trieste, sur le plateau du Karst, renommé pour l'élevage des équidés depuis l'antiquité. Charles VI importa d'Andalousie, en raison de leur aptitude au travail de manège, 9 étalons et 24 juments qui constituèrent la première remonte du haras, furent croisés avec les descendants de l'antique race locale des chevaux du Karst (déjà utilisés par les romains comme chevaux de trait). Puis la cour de Vienne continua d'acheter d'autres chevaux espagnols pour améliorer la race.

A partir de 1700, il fut procédé à de nouveaux apports de sang provenant d'étalons italiens, allemands, et danois d'origine ibéro-arabe. La fixation du type dans ses caractéristiques essentielles et son usage de cheval de parade et de combat sont déjà obtenus en 1735 lors de l'inauguration du manège impérial. Il va remplacer les chevaux andalous pour rester l'acteur principal des grands carrousels et des fêtes somptueuses de l’Ecole de Vienne.
Sous le règne de Marie-Thérèse les lignées commencèrent à se dessiner. L'élevage fut circonscrit aux cinq, puis six lignées dites pures. Bien que trois des étalons pères de lignées soient blancs, c'est grâce aux infusions de sang arabe que fut favorisée la robe blanche, qui devient prédominante au début du XIX° siècle et constitue dès lors une des caractéristiques de la race. A Lipica, le nombre croissant de chevaux atteindra, sous le règne de Marie-Thérèse, cent cinquante poulinières.

Les haras appartinrent à la cour de Vienne jusqu'à la fin de la première guerre mondiale. Les Italiens annexèrent alors la région et les Autrichiens emmenèrent les troupeaux en Hongrie et en Autriche, mais le changement de climat fut fatal à nombre de chevaux. En 1943, les Allemands déplacèrent 200 chevaux jusqu'aux territoires sudètes (actuellement en République Tchèque). Les Américains libérèrent la région en 1945 et ramenèrent les chevaux et les archives du haras à Lipica.

A l'issue de la seconde guerre mondiale, la Slovénie, devenue un état de la Fédération de Yougoslavie vit ses frontières redessinées entre l'Autriche, l'Italie et la Yougoslavie. Lipica revint à la Slovénie et les haras reprirent leur activité en 1947. Il n'y restait alors que 11 chevaux. Aujourd'hui, 180 représentants de la race vivent dans les haras d'origine. Mais les véritables lipizzans sont aussi élevés en Autriche, en Croatie, en Hongrie, en Italie, en Slovaquie, en France et même aux États-Unis.

Le lipizzan est un animal énergique et robuste, de taille moyenne (1,55 à 1,67m au garrot), d'un caractère souple. Sa longévité, supérieure à la moyenne de celle des chevaux, dépasse parfois trente ans. Sa morphologie et son caractère en font un excellent cheval pour le dressage et l’attelage. En revanche, il ne peut exceller ni dans le saut d’obstacle, ni dans les cross, car il n’a ni la détente ni la résistance nécessaires à ces épreuves. On ne verra jamais un lipizzan participer à des épreuves de concours complet.

Il a la tête expressive sur une encolure haute et puissante, un garrot peu marqué, une épaule longue et musclée, un dos musclé, une croupe ronde et massive, une ossature puissante. Les crins sont fins, la robe soyeuse et blanche, on observe quelques rares individus noir ou bai brun (l'école de Vienne compte traditionnellement un étalon noir). Une des caractéristiques du lipizzan est que sa robe est noire ou gris anthracite quand il est jeune, et, tel le vilain petit canard, devient d’un blanc royal à l’âge adulte.

Dans les haras, nous assistons tout d’abord à une démonstration de dressage dans le grand manège : figures en quadrille, puis en paire, puis en attelage, avec une très belle prestation finale en rênes longues montrant une parfaite harmonie entre le dresseur à pied et son cheval. Belle prestation, mais sans grande figure (point de courbettes, piaffers, levades, pirouettes ou cabrioles, comme à Vienne) et jugée un peu courte par certains (25 minutes). Puis une visite des haras (un peu arrosée par la pluie) a permis à chacun d’approcher les nobles lipizzans et de leur manifester l’amour et l’admiration qu’ils inspirent naturellement…

2. Grottes de Škocjan

Parmi les plus de 7000 grottes répertoriées en Slovénie, les plus originales sont celles de Škocjan (prononcez Chko-ki’an), ce qui leur vaut de nombreuses reconnaissances internationales : patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO, labels UNEP (United Nations Environment Program), et Ramsar des zones humides, médaille de la biosphère 2005.

La première partie de la grotte se nomme la «cave silencieuse». C’est une succession classique de couloirs et de salles avec stalactites, stalagmites, colonnes, cascades et chou-fleurs en calcite. Mais ces concrétions sont ici plus importantes qu’ailleurs : il pleut davantage, et il suffit donc de 5 ans pour former un cm3 de calcite, contre 20 ans dans la plupart des autres grottes. Et leur couleur est variée : sels de fer, bauxite ou autres impuretés du calcaire superficiel donnent rouge, jaune, rose ou rares trainées noires. Quelques rares halactites (des concrétions qui poussent dans toutes les directions, pour des raisons encore mal expliquées, où capillarité et rayons cosmiques semblent jouer un rôle), ou les voiles de pierre aux formes torturées sous l’effet du vent près de la sortie, méritent aussi l’attention. La salle Martel (du nom du célèbre spéléologue français, venu à Škocjan en 1893) est d’une taille exceptionnelle : 308m de long, 123m de large, 106m de haut en moyenne et 146m au maximum, pour un volume de 2,1 millions m3.

L’intérêt principal de la grotte est le « canyon » : la rivière Reka a creusé des gorges souterraines sur près de 100m de haut, des rapides bouillonnent au fond de ces à-pics vertigineux, éclairés par des spots que des alpinistes ont placé partout (on se demande ce qui est supérieur, leur habileté ou leur inconscience). Le décor serait déjà digne de trois étoiles au guide vert s’il était en surface, alors à 150m sous la surface !

D’autres caractéristiques renforcent l’intérêt de la visite :
  • L’histoire : lieu de passage entre la côte et l’intérieur, son occupation a été continue depuis plus de 10 000 ans. Un fort a été construit dès l’âge de fer au-dessus de la grotte, pour bénéficier de la protection des deux dolines. Les romains l’ont ensuite consolidé. Posidinuis (135 –50 av JC) cite déjà la grotte !
  • Les crues : tous les 10 à 15 ans, le niveau de l’eau monte pour quelques heures de plusieurs dizaines de mètres. Exceptionnellement (fréquence cinquantenaire), la crue est telle que des geysers se forment en surface, capables de déplacer des maisons (1902) ou de faire sauter une plaque d’acier de 2 cm d’épaisseur. Leurs traces sont montrées par les guides, des souches bloquées dans une faille d’un plafond à 20 m au-dessus du chemin, ou 50m au-dessus du lit de la Reka.
  • La faune : plusieurs espèces sont spécifiques des grottes, mille-pattes et grillons albinos sont faciles à observer, lézards et salamandres plus rares. Il y a aussi de nombreuses chauve-souris, dont on voit (et on sent) les crottes fréquentes.
  • Les traces des chemins de visite des années passées : le trajet actuel est en ciment, taillé dans les parois du canyon. Ceux d’autrefois étaient en planches, accrochées par des supports métalliques en forme de L aux murs, plus abrupts et certainement plus vertigineux qu’aujourd’hui ! Un des projets actuels est de reconstruire certains d’entre eux, pour donner accès à de nouvelles zones du complexe de grottes.
  • Le parc environnant : il contient des sentiers de découverte de la nature : le microclimat des dolines permet à des plantes de 5 types d’habitats (dinarique, méditerranéen, sub-méditerranéen, illyrien et alpin) de pousser, avec des espèces rares pour les botanistes !
Grâce à la gentillesse du guide et du directeur, les panglossiens ont aussi pu voir comment la Reka entre dans la doline, à travers cascades où l’eau limpide jaillit d’un trou dans le calcaire, marmites du diable aux tourbillons verts, et rebonds de roc en trou aux remous chuintants. Vues exceptionnelles, qui valent bien les marches supplémentaires à descendre ou monter avant de rejoindre le funiculaire qui ramène au centre des visiteurs.

Les grottes sont au centre d’un parc, le « Regijski park Skocjanske jame » (parc régional des grottes de Škocjan). 450 ha sont totalement protégés depuis 1981, y compris 3 villages (90 habitants), et une zone périphérique de près de 45 000 ha voit les activités surveillées et/ou limitées. Administrativement, le parc est une unité autonome du Ministère de l’environnement, donc 100% public. Il emploie 12 personnes, dont 8 guides, et reçoit 100 000 visiteurs par an, pour un budget de l’ordre de 500 000 €. Il collabore avec les parcs de Mercantour, de Gap, et prochainement des Ecrins en France, du Club alpin en Italie, etc. Il prépare plusieurs actions pour accroître sa notoriété, que le directeur juge encore trop faible, notamment en France : en particulier une exposition devrait se tenir prochainement à l’Unesco.


Schéma des grottes

3. Musée de la guerre de Kobarid

Kobarid, dans la vallée de la célèbre et belle rivière Soca au pied du col de Vršic (1.600 m), s’appelait Caporetto pendant la dominance italienne. Ce nom a été donné à la célèbre et terrible bataille de 1917 : les Slovènes défendaient leur territoire face aux visées italiennes sur le Karst et Trieste. Aidés des Austro-hongrois, ils ont battu les Italiens, après des mois de guerre de tranchées, au terme de deux semaines de combats entre le 24 octobre et le 9 novembre 1917 : 300 000 prisonniers italiens et environ 40 000 tués ou blessés.

Otto von Below, qui conduit sur place les troupes allemandes et austro-hongroises, l’a emporté grâce à la panoplie complète des attaques allemandes : tir de barrage d’artillerie avec un cocktail de gaz toxiques pour « préparer » le terrain, puis infiltration avec des grenades et lance-flammes. La progression austro-allemande fût foudroyante (25 km de percée dès le premier jour). Les troupes allemandes progressèrent d’environ 100 km vers Venise, puis se retrouvèrent bloquées sur la rivière Piave par des troupes françaises, britanniques et nord-américaines. Cette ligne de front se maintint jusqu’à la fin de la guerre.

La bataille de Caporetto valut à Erwin Rommel d’être le plus jeune officier de l’armée allemande à recevoir la prestigieuse médaille pour le Mérite. Elle a aussi nourri un des plus beaux romans d’Ernest Hemingway « L’adieu aux armes ». Mais, au quotidien, la guerre sur le front de la Soca, qui dura de mai 1915 à novembre 1917, fût comme toute la guerre de 14-18, ...et toutes les guerres : sale.

C’est pourquoi le musée de Kobarid, finaliste pour le titre de musée européen de l’année 1993, se veut être un musée sur la guerre, pour être contre la guerre, cela fait partie clairement de ses objectifs affichés. Et l’étalage de ces centaines de photos de « gueules cassées », de cadavres déchiquetés, de soldats aux masques à gaz absurdes, de regards hagards et perdus car ils ont vu et vécu l’horreur, de boue et de sang, est réellement insupportable, intolérable, absurde et donne la nausée, tout simplement car la guerre est insupportable, intolérable, absurde et donne la nausée.

Que le musée Kobariški soit donc ici remercié pour contribuer au nécessaire devoir de mémoire et de condamnation de cette terrible Grande Guerre, qui devait être la « der des der ».
Thierry Courtiol (MP1983) et Guy Berman (MP 1973)