MINI-MISSION A L'ETRANGER
, Mai%202009
La Syrie aujourd'hui

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Situation politique et diplomatique : entretien avec Madame Siba Nasser
Ancien Ambassadeur de la République Arabe Syrienne en France
Préambule
" La recherche de la paix au Moyen-Orient demande un esprit courageux et audacieux ", avait souhaité le 18 mai 2003 Jean-Paul II à Madame Siba Nasser, alors nouvel ambassadeur de Syrie près le Saint-Siège. Nul doute que les membres de notre mission Pangloss en Syrie ont ressenti cet esprit courageux et audacieux dans les propos que nous a librement tenus Mme Siba Nasser à Damas lors de notre rencontre en ses appartements privés.

Madame Siba Nasser a été l’Ambassadeur de la Syrie en France de 2002 à février 2006. Le 17 juin 2008, M. Michel Duclos, Ambassadeur de France en Syrie, lui a remis l’insigne de Grand Officier de l’Ordre National du Mérite. Elle nous a très courtoisement reçus dans son salon, flanqué d’un grand pan de bibliothèque empli de nombreux livres français. " Pour une paix globale, durable et juste " pourrait être la sentence à retenir de cet entretien.

Propos de Madame Siba Nasser
  • Je suis arrivée en France fin 2002, au beau fixe des relations amicales entre le président Bachar el-Assad et le président Jacques Chirac. …/… La France œuvrait alors beaucoup pour aider à la modernisation de l’administration en Syrie.
  • En 2003, il y avait au moins une consultation par semaine entre le président Jacques Chirac et le président Bachar el-Assad, contre l’invasion de l’Irak. Tous leurs échanges convergeaient vers une vue commune : il est facile d’entrer en Irak, il sera difficile d’en sortir.
    La Syrie connaissait alors très bien l’Irak et savait qu’ils n’avaient aucune arme de destruction massive. Nous avions peur que la situation soit mauvaise pour l’Irak, nous pensions que la guerre d’Irak ne résoudrait rien et serait très compliquée.
  • La guerre en Irak est le fait de l’ancienne administration américaine, comme le décrit un livre sur l’histoire des néo-conservateurs aux Etats-Unis que je finis de lire.
  • Les Etats-Unis croyaient qu’à partir de la Syrie, le « nouveau Moyen-Orient », ils pourraient changer la situation au Moyen-Orient. Nous, Arabes, nous ne sommes pas contre les Etats-Unis, mais contre la politique de l’administration américaine, tout comme nous ne sommes pas anti-juifs, mais contre la politique sioniste.
  • Puis les relations avec la France sont arrivées ensuite à un point de blocage du dialogue,… mais il ne faut jamais dire qu’on ne se parle pas !...
  • En février 2006, les relations entre la France et la Syrie étaient au plus bas. Le président Jacques Chirac était ami avec le premier ministre libanais Rafic Hariri, et soupçonnait que la Syrie était responsable de son assassinat en 2005. Mais depuis quelques mois, avec Nicolas Sarkozy, le contact politique entre la France et la Syrie a repris, même si la coopération n’a pas encore repris.
  • Avant, la culture française et le français étaient dominants en Syrie, maintenant, c’est plutôt l’anglais. Avant, dix classes nouvelles sur onze choisissaient le français comme première langue étrangère, mais cela a changé.
  • Les relations avec la France vont en s’améliorant. La France a beaucoup de poids en Europe. Mais le problème des relations avec l’Europe, c’est que pour tout accord avec l’Europe, il faut que le Parlement Européen et les parlements nationaux des états membres de l’UE soient d’accord, ce qui est très lourd. Cela pose un problème pour l’accord sur les quota d’exportation de la Syrie vers l’Europe. Avant tout, selon les accords, l’Europe va pouvoir exporter tous produits industriels en Syrie, mais en contrepartie, la Syrie, qui n’est pas un pays industriel, ne pourra de fait qu’exporter des produits agricoles, car c’est avant tout un pays agricole, or l’agriculture est très protégée en Europe.
  • La Syrie essaye de libéraliser son économie, mais ne veut pas tout bousculer. Cela dépend des secteurs. Il n’y a pas de Sécurité Sociale en Syrie.
  • Notre problème, c’est la situation régionale, comme le rappelait Hubert Védrine en disant « Nous ne voulons pas d’accords d’association prisonniers de la situation au Proche-Orient…
  • Ce que veut la Syrie dans sa région, c’est une paix globale, durable et juste. Mais tous les pays arabes ne portent pas ensemble cette position. La Syrie considère l’injustice de la situation palestinienne comme sa propre question. Tout ce que les Palestiniens veulent, on le soutiendra.
  • Aujourd’hui encore, c’est difficile d’aller dans le Golan, il y a encore 24 heures de délai pour avoir une autorisation d’accès. Kuneitra, la capitale du Golan, est une ville martyre, entièrement ravagée par la dynamite et les bulldozers israéliens. Les Syriens n’ont pas voulu reconstruire Kuneitra, pour la garder comme ville témoin, et ont préféré aider les Palestiniens à reconstruire une ville nouvelle à côté.
  • La Syrie se base sur la carte des territoires occupés avant le 4 juin 1967 et pas après, et veut être d’accord pour nouer des relations diplomatique normales avec Israël sur cette base, car la Syrie ne veut pas lâcher ce château d’eau qu’est le Golan, et qui a toujours été syrien et jamais palestinien. En 1948, Golda Meir disait à tort que c’était une terre sans peuple pour un peuple sans terre, alors que le Golan a toujours été habité !...
  • 1948 et la création d’Israël, c’est l’injustice que rejette la Syrie.
  • Le peuple syrien a été ulcéré par les marques de rejet et de haine des Libanais après l’assassinat d’Hariri.
  • Ceux qui disent vouloir la démocratie doivent savoir accepter les résultats des élections.
  • Les conditions de paix globale proposées par les Syriens en 1948 ont été refusées par les Israéliens, qui ont répondu en envoyant les chars et en installant 18 000 colons juifs dans le Golan. La Syrie parle d’Israël, et non pas de "Palestine occupée". La Palestine est trop divisée avec le Hamas.
  • Notre problème, ce n’est pas avec les juifs, mais avec les Israéliens qui prennent le terrain aux autres.
  • Ce que nous voulons, c’est la restitution de la Cisjordanie et de Gaza à la Palestine et la création d’un Etat Palestinien, et la restitution à la Syrie des territoires occupés par Israël depuis le 4 juin 1967. Et là, la Syrie reconnaîtra alors Israël dans ses frontières.
  • Barack Obama ? : Wait and See… C’est trop tôt,…il y a un poids trop fort des lobbies aux Etats-Unis, lobbies juifs, industriels, militaires, pétroliers,…on ne sait pas….
  • Les juifs russes ont constitué les dernières vagues d’immigration en Israël et ce sont les plus radicaux.
  • Vous connaissez cette blague : un juif est au paradis et dit à Dieu : "Je m’ennuie au paradis, je veux revenir sur terre", et Dieu lui répond : "Non, la Terre contre la paix".
  • Mes attaches avec la France et mon meilleur souvenir de Paris ? J’ai de la famille en France, j’ai un frère qui a été un des patrons d’Axa, j’aime la littérature et une grande bibliothèque de livres français, …et surtout, je garde en permanence des amitiés françaises….
Thierry Courtiol (MP 1983)