MINI-MISSION A L'ETRANGER
, Mai%202009
La Syrie aujourd'hui

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Relations culturelles franco-syriennes
Madame Hausser1 nous explique que l’ensemble de la coopération bilatérale franco-syrienne s’est intensifiée au cours des dernières années, notamment par le biais de la coopération culturelle, scientifique et technique.

Par ailleurs, l’évolution de la Syrie sur le plan économique offre un potentiel intéressant pour des investisseurs français et la perspective d’échanges commerciaux fructueux. Le montant des investissements français en Syrie a ainsi augmenté ces dernières années à 800 millions d’euros, ce qui accompagne l’amélioration des relations politiques entre les deux pays. De même les échanges commerciaux entre les deux pays sont aussi en hausse en atteignant plus de 990 millions d’euros.

La visite du président Sarkozy accompagné de responsables économiques, puis la visite du secrétaire d’état à l’Industrie Luc Chatel ont donné une nouvelle impulsion politico-économique aux liens entre les deux pays. Les relations politiques avec le président Sarkozy annoncent une certaine normalisation après le durcissement des liens observé pendant la présidence Chirac, à l’issue de l’assassinat de Rafic Hariri. La détermination du président syrien à établir des relations diplomatiques avec le Liban, après la formation d’un gouvernement d’union nationale libanais est de nature à donner des gages positifs. Madame Hausser nous raconte cependant quelques anecdotes sur l’omniprésence d’agents de surveillance pour chaque déplacement officiel de l’ambassadeur et d’elle-même. Le caractère stable et sécurisant que la mission a ressenti au cours de sa venue ne doit pas masquer le caractère dur et peu respectueux des libertés individuelles des opposants éventuels du régime.

A notre question de la difficulté d’aborder sereinement toute discussion ayant trait au conflit israélo-palestinien, Madame Hausser confirme l’acuité du problème dans toutes les strates de la société syrienne qui s’avère être particulièrement soucieuse de la situation des palestiniens mais aussi concernée par le risque de déstabilisation que les réfugiés palestiniens génèrent. En dépit des événements récents liés à la Palestine qui ont eu un impact sur l’avancée obtenue dans le cadre des pourparlers indirects tenus entre la Syrie et Israël sous l’égide de la Turquie, un processus global est toujours privilégié. Il implique de discuter avec tous les gouvernements concernés tant sur la nécessité de l’établissement d’un état palestinien viable que d’un arrêt des travaux de colonisation (y compris ceux liés à la croissance naturelle). La France considère que la relance du processus de paix dans tous ses volets est la condition de la stabilité et de la sécurité à long terme d’Israël et de la région.

La vigilance de l’état syrien à ne pas se laisser déstabiliser par une émigration palestinienne subie se prolonge avec les réfugiés irakiens, qui pour les plus fortunés ont encouragé une hausse brutale des loyers à Damas et ont fréquemment des profils religieux chiites plus marqués.

Monsieur Lory2 nous explique l’organisation institutionnelle de la religion musulmane en Syrie où les imams s’avèrent être particulièrement contrôlés par le pouvoir, à l’issue d’une formation maîtrisée par l’Etat. La volonté de la minorité alaouite de ne pas laisser le pays céder à un risque de contagion de ses voisins chiites les plus virulents explique que toutes les religions aient une liberté réelle de développement mais dans les limites strictes que le pouvoir a fixé.

La Syrie est un réel paradoxe qui offre un tropisme propice au développement économique (surtout depuis l’arrivée du président Bachar El Assad) dans un contexte confessionnel apaisé et au prix d’une acception restrictive des libertés individuelles notamment d’expression. Nous comprenons aisément que la posture de l’ambassadeur de la France, pays qui promeut volontiers une approche missionnaire des droits de l’homme, n’apparaisse pas évidente à incarner…

Dans ce contexte, il est plus simple de comprendre que la France soit le premier partenaire de la Syrie dans le domaine de la coopération universitaire. Cette dernière a pour but de former les cadres intellectuels et scientifiques syriens dans le cadre de la réforme de l’Etat syrien et d’appuyer la création de la recherche nationale syrienne. Madame Hausser, ancienne élève de la prestigieuse école, nous informe qu’un partenariat avec l’ENA doit être engagé pour permettre la modernisation des structures publiques et privées syriennes, notamment à travers le projet de création d’un Institut national d’administration en Syrie.

Monsieur Lory précise que le renforcement des échanges universitaires et scientifiques est l’une des missions de l’Institut Français du Proche-Orient auquel il appartient. L’IFPO est né du regroupement de l’Institut français d’archéologie du Proche-Orient (IFAPO), de l’Institut français d’études arabes de Damas (IFEAD) et du Centre d’études et de recherches sur le Moyen-Orient contemporain (CERMOC). Il est présent en Jordanie, au Liban et en Syrie et il a compétence en Iraq et dans les Territoires palestiniens. Il relève du ministère des Affaires étrangères et constitue par ailleurs une unité mixte de Recherche et de Science du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS). Sa direction est basée à Damas. Les missions de l’Institut sont la recherche, la formation à la recherche, la diffusion des savoirs, la coopération avec les institutions locales et internationales. Trois objectifs majeurs sont assignés à l’Institut français du Proche-Orient dans chacune des disciplines des sciences humaines et sociales : maintenir en France un niveau d’excellence dans la recherche sur le Moyen-Orient, développer des synergies transnationales et interdisciplinaires tout en renforçant le tissu de nos relations scientifiques et intellectuelles avec les pays de la région. Enfin l’Institut est un instrument de formation en langue arabe et de coopération.

Au-delà de cette excellence universitaire, nous exprimons notre surprise face à une relative disparition du français dans les rues syriennes. Madame Hausser souligne que le développement de la maîtrise du français a souffert de la fin de son enseignement dans les écoles jusqu’à très récemment où le président Bachar El Assad l’a réinscrit comme obligatoire. L’apprentissage du français en Syrie, est aujourd’hui à nouveau possible dans les écoles publiques, à partir de la 7e année, dans les universités publiques et privées, au Centre Culturel Français de Damas, Alep et Lattaquié et dans les Centres Culturels Arabes à Alep, Lattaquié et Homs.

Madame Hausser rejette par ailleurs tout éventuel désinvestissement de la francophonie en Syrie par l’état français, comme Madame Antaki a pu le ressentir. Une adhésion de la Syrie à la francophonie est en question. De très nombreuses initiatives peuvent être listées et s’avèrent coordonnées pour offrir à la francophonie un développement adéquat.

Plus largement, l’ambassade de France en Syrie cherche à promouvoir une coopération culturelle fondée sur l’échange et le transfert de savoir-faire. Elle soutient les arts de la scène, notamment avec les partenariats noués entre l’école national supérieure des arts et techniques du théâtre de Lyon et l’institut supérieur d’art dramatique de Damas, et entre le conservatoire national supérieur de Lyon et l’institut supérieur de musique de Damas. Damas a aussi été désignée comme " capitale arabe de la culture " pour l’année 2008 ce qui a été l’occasion de transformer la ville en vaste espace d’échanges culturels et artistiques franco-syriens. Le Centre culturel français de Damas offre des formations de théâtre, de danse, de musique et d’arts visuels. Il soutient la création locale. Enfin chaque année, la lecture est mise à l’honneur lors de la manifestation " Lire en Fête " organisé par le Centre culturel français de Damas, en partenariat avec les maisons d’édition syriennes. Les acteurs de l’action culturelle française à Alep sont : l’agence culturelle et de coopération éducative d’Alep (ACCEA), qui est une antenne du centre culturel français de Damas, une antenne du centre de documentation pédagogique de Damas (CDP), le centre culturel arabe (CCA) et l’institut de langues de l’université d’Alep.

Monsieur Lory (à qui nous faisons part de notre émerveillement face aux merveilles historiques de la Syrie antique) nous explique que la valorisation du patrimoine historique et archéologique de la Syrie est un des aspects majeurs de la coopération franco-syrienne. Madame Hausser indiqua qu'il y a davantage de missions archéologiques françaises en Syrie qu'en Egypte, et donc que tout autre pays dans le monde. De nombreuses équipes d’archéologues français œuvrent ainsi dans les sites nationaux comme dans la ville de Bosra où nous nous rendons le lendemain…
Anne Villeneuve-Ferrer (MP 2003)
1 Madame Isabelle Hausser est une romancière et traductrice française née à Saint-Donat dans la Drôme le 14 novembre 1953. Elle a grandi en Afrique noire et à Bordeaux. Elle est diplômée de l’Institut d’Etudes Politiques (IEP) de Bordeaux, titulaire d’une maîtrise de droit public et ancienne élève de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA). De 1978 à 1987, elle est juge administratif au Tribunal administratif de Paris. Mariée à Monsieur Michel Duclos, diplomate, elle l'accompagne dans ses différents postes : à Moscou de 1987 à 1991 où elle exerce des fonctions diplomatiques, en Allemagne de 1991 à 1994, à Bruxelles de 1998 à 2002, à New York de 2002 à 2006. Depuis 2006, elle vit à Damas en Syrie.
Ses ouvrages ont souvent été couronnés de récompenses prestigieuses :
- Célubée, Julliard, 1986 et Éditions de Fallois, 2000
- Une nuit, Julliard, 1987
- Nitchevo, Éditions de Fallois, 1993, Prix des libraires (1994)
- Les magiciens de l'âme, Éditions de Fallois, 1996
- La chambre sourde, Éditions de Fallois, 1998
- La table des enfants, Éditions de Fallois, 2001 Grand Prix Jean-Giono (2001); Grand prix des lectrices de Elle (2002)
- Une comédie familiale, Éditions de Fallois, 2003; Prix silhouette du 7e art (2004)
- Le passage des ombres, Éditions de Fallois, 2006; Prix du jury des lecteurs de Vivre Plus (2006).

2 Pierre Lory est diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, section relations internationales (1973). Il est agrégé de langue arabe (1977) et titulaire d’un doctorat de 3e cycle en civilisation arabe à l'université de la Sorbonne - Paris III (1981), d’un doctorat d'état en études arabes et islamiques à l'université Michel-de-Montaigne - Bordeaux III (1991).
Maître de conférences à l'université de Bordeaux III et directeur d'études à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes de Paris (EPHE) depuis 1991, il est actuellement directeur du département scientifique des études médiévales, modernes et arabes à l'institut français du Proche-Orient de Damas.