DEROULEMENT DU CAFE-PHILO
La soirée s’est déroulée
dans un petit restaurant Afghan, le Koutchi, qui nous a fait découvrir
le délice de la nourriture Afghane à Paris…
Au début de ce dîner,
Alain Boinet nous a présenté l'engagement humanitaire de l’association
solidarités, dont il est le fondateur. Puis Sylvie Rosset, nous
a présenté son dernier voyage humanitaire en Afghanistan, accompagnant
son propos de diapositives, permettant de faire connaissance ou de redécouvrir
un pays à la géographie surprenante. En effet, l’Afghanistan est
traversé par une grande chaîne montagneuse. Le contraste est frappant
entre certaines zones fertiles, souvent accolées à des montagnes
hostiles. C'est donc une lutte permanente contre une nature impitoyable qui
se joue dans ce pays. Sa géographie rend les communications extrêmement
difficiles à l'intérieur même du pays. Les régions
sont donc très isolées les unes des autres, conservant chacune
leur spécificité. S’il ne pleut pas souvent, l'eau peut devenir
destructrice, provoquant des crues désastreuses pour les récoltes,
avec tous les problèmes d'hygiène que cela sous-tend pour les
populations. Le pays, qui a subi des influences multiples au travers d'invasions
successives, compte aujourd'hui une douzaine d'ethnies, dont 40% sont d’origine
Pachtoune. Mais beaucoup d’invasions ont eu lieu de populations Mongoles, de
Grecs ou d’Indiens. Du fait de l’isolation des différentes régions,
chacune a gardé une spécificité de langage et de religion.
L’Afghanistan a une grande valeur
de symbole pour l'association. En effet, son invasion par les soviétiques
en Décembre 1979, fut le prélude à la naissance en 1980,
de ce qui allait devenir
Solidarités, association d'aide humanitaire
internationale.
En 20 ans, les conditions de l'aide
humanitaire ont considérablement changé, du fait d'une évolution
des relations internationales mais aussi des mentalités. Il n'y avait,
à l'origine, aucune aide institutionnelle : les actions humanitaires
consistaient à se rendre à l'intérieur d'un pays jugé
en situation d'urgence, en sac à dos, de manière clandestine et
au péril de sa vie. C'est ce qu'on a appelé "l'aventure utile",
relayée en France par un objectif d'information du mouvement associatif
naissant auprès de l'opinion.
PRESENTATION DE L’ASSOCIATION SOLIDARITES
Depuis Janvier 2002, tout a changé
en Afghanistan, et pourtant rien n’est acquis. C’est dans ce contexte que l’association
solidarités, Association d’aide humanitaire internationale, active
dans ce pays depuis 1980, met en œuvre de nombreux programmes d’aide d’urgence
et de réhabilitation rurale avec une équipe de 25 volontaires,
583 Afghans et ce à partir de huit bases, à Kaboul, dans le centre
ou le nord du pays. Cette association a centrée son action sur la couverture
des besoins vitaux, à savoir manger, boire et s’abriter, prenant en charge
des programmes d’urgence, mais aussi de reconstruction, allant par exemple de
la distribution d’aide alimentaire de base, à des programmes nutritionnels
ou de soutien agricole très ciblés, comme l’aménagement
de sources d’eau potable ou la reconstruction d’habitations et d’infrastructures
publiques.
Les équipes de
solidarités
sont aujourd’hui présentes en Afghanistan, en Angola, au Burundi, en
République démocratique du Congo et en Serbie. Elle est aussi
présente pendant trois ans au Kosovo, 6 ans au Rwanda, 8 ans en Bosnie
et 11 ans en Roumanie. Elle fonctionne avec 22 permanents au siège, 60
volontaires sur le terrain et près d'un millier d'employés et
de cadres locaux sur place.
En 2001, le budget de l’association
était de 12 Millions d’Euros, 90% étant issus du gouvernement
et de l’ONU, et les 10% restant issus de donateurs privés.
L'Association se prépare aujourd'hui
à envoyer une mission en Côte d'Ivoire. D'autres projets sont actuellement
en cours.
Les volontaires signent un contrat d'engagement pour un an.
REPERES ET STATISTIQUES
- A l'origine de la naissance de l'Association
A ses origines, l’aide sans frontière
s’est faite clandestinement, sans l'accord des autorités, pour répondre
à des situations d'urgence. Ce fut le cas de l'Afghanistan, les moyens
et les effectifs étaient très limités et où les
volontaires sont entrés dans le pays clandestinement, avec des costumes
afghans.
L'Afghanistan occupe le 170ème
rang sur 174 pays selon l'indicateur de développement humain établi
par le programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) en 1995.
C'est donc l'un des pays les plus pauvres du monde. A partir de 1979, il est
victime d'une guerre qui le plonge dans un état d'extrême pauvreté.
Le sentiment général face à la situation de l'Afghanistan
semble alors plutôt fataliste : l'Armée Rouge n'a en effet jamais
reculée. Le pays serait-il ainsi condamné à cet état
de pauvreté extrême et de victime de guerres? Mais Solidarités
a décidé d'agir, même si la situation semblait perdue. Mais
quelque soit la situation, le mouvement sans frontières se devait d’agir
malgré les risques liés à la guerre, car il est question
de vies humaines avant tout.
L'objectif de Solidarités
est de répondre quotidiennement à des besoins vitaux, à
savoir boire, manger, s'abriter, assainir… et quand cela est possible, passer
à la reconstruction. Il n'y a plus actuellement de situation de famine
en Afghanistan, mais il y a des problèmes de malnutrition qui font qu'un
enfant sur quatre ne survivra pas, après l’âge de cinq ans. Elle
prend en charge des programmes qui vont par exemple de la distribution d'aide
alimentaire de base jusqu'à des programmes nutritionnels ou de soutien
agricole très ciblés, l'objectif étant d'accompagner des
populations dans un moment douloureux de leur histoire et de les aider à
passer de la dépendance à l'autosuffisance. Des années
de guerre et une nature souvent impitoyable ont mis à mal le pays. D'où
l'ampleur de la tâche et la variétés de projets engagés
par l'association depuis 1980 : mise en place de bains de désinfection,
aménagement de sources d'eau potable, fourniture de bâches plastiques
au profit de populations déplacées, mais aussi de vastes programmes
de reconstruction de réseaux d'adduction, d'habitations, de bâtiments
et d'infrastructures publics. Dans chacune des démarches entreprises
par l'association, s'inscrit en permanence la dimension humaine. Par son action,
l'association veut se montrer "solidaire du malheur des autres" : répondre
à des besoins vitaux d'êtres humains. Son action se veut basée
sur l’importance et l'urgence de la reconstruction.
- L'action de Solidarités pendant le durcissement de l'ère talibane
Les membres de
Solidarités
présents sur place ont assisté à la prise de Kaboul en
septembre 1996. Ils ont décidé de rester et de poursuivre leur
action dans le domaine de l'eau et de l'assainissement. Les principaux problèmes
qu'ils ont rencontrés à Kaboul portaient sur le statut des femmes
et sur l'accès aux soins. Les femmes se sont vues frappées par
l'interdiction de travailler; or, nombre d'entre elles travaillaient pour les
associations humanitaires. De même, les talibans ont décidé
de séparer les hôpitaux pour hommes de ceux pour les femmes. Ces
problèmes ont donc multiplié les tensions entre les associations
et talibans.
Si les règles imposées
par les talibans étaient respectées au sein de la population,
il leur était beaucoup plus difficile avec les humanitaires. Et l'hospitalité
étant une qualité naturelle chez l'afghan, qui manifeste à
l'égard de l'étranger un profond respect, ce durcissement excessif
des Talibans les mettait en porte à faux vis-à-vis de la communauté
étrangère très présente sur place.
En 1998, 38 associations sont expulsées
de Kaboul.
Solidarités n'y est jamais retournée. Ils s'installent
à Bamyan. La situation s'est ensuite considérablement dégradée
du fait de l'intensification des combats et surtout de l'interdiction d'accès
imposée par les talibans après la destruction des boudhas de Bamyan
en mars 2001. Les zones de guerre, jusqu'alors ouvertes à l'aide humanitaire,
sont désormais interdites. L'association redéploie alors ses équipes
et ses moyens à partir de la ville de Mazar-i-Sharif, au nord du pays.
Les événements vont
ensuite se succéder jusqu'à la mort du Commandant Massoud, le
9 septembre 2001, suivie des attentats du 11 septembre aux Etats-Unis.
Oussama Ben Laden avait une très forte influence
sur le régime afghan, allant ainsi à l'encontre de l'indépendance
naturelle de ce peuple. Plus le régime taliban était isolé
et plus l'influence de Ben Laden était importante en raison de ses moyens
financiers considérables. Le 11 septembre n'était pas une
guerre décidée ou voulue par les afghans. Ils ont été
utilisés sans savoir à quoi cela allait servir.
Aujourd'hui, en dehors de Kaboul,
ce sont les chefs locaux et régionaux qui commandent au sein de chaque
région. L'Etat central est faible. C'est là une situation qui
est somme toute traditionnelle au pays. Les chefs locaux (même s'ils sont
pour la plupart des chefs de guerre) ont acquis au fil des années une
réelle légitimité qui fait obstacle au pouvoir central.
Rien n'est donc acquis et si tout aujourd'hui a changé, il reste à
mettre en place un système politique qui puisse fonctionner à
l'échelle du pays. Après le communisme et la dictature talibane,
l'Afghanistan doit faire son propre apprentissage du pouvoir. Mais la tâche
est lourde, le pays vivant toujours sous la constitution de 1964. Envisager
des élections nécessite au préalable d'organiser un recensement
de la population, et ce, dans un pays où les communications sont extrêmement
difficiles en raison du relief et de l'absence d'infrastructures technologiques.
Les régions sont totalement isolées les unes des autres et toute
démarche à l'échelle nationale, implique l'accord préalable
du chef local. La reconstruction devra ainsi participer à la réalisation
du processus politique.
CONCLUSION
Tous les pays dans lesquels
Solidarités
intervient sont victimes de guerres civiles. Avant toute chose, les populations
doivent comprendre que les engagés humanitaires sont là pour aider
ceux qui ont besoin d'être aidé, et ce sans distinction ethnique
ou religieuse. A partir du moment où cela devient acquis, les parties
prenantes qui s'affrontent localement laissent faire et ne font pas entrave
à l'aide humanitaire déployée. Il reste cependant des endroits
où la situation est telle qu'il n'y a plus du tout d'espace humanitaire.
Et là se trouve un réel danger. L'espace humanitaire est une donnée
fondamentale. Au préalable de toute action humanitaire, il est impératif
que chaque partie présente dans le conflit national comprenne que les
ONG font de l'aide humanitaire. Ils doivent avoir en tête que l'état
de guerre implique des besoins d'ordre vital au sein des populations quelle
que soit leur sensibilité religieuse, ethnique ou politique. Ceci acquis,
ils laisseront passer. La sauvegarde d'un espace humanitaire est donc le fondement
de toute action. Sans cet espace impartial et libre, plus rien n'est alors possible.
Des problèmes demeurent néanmoins
et représentent un frein important à l'action de l'association
sur le terrain. Ainsi, il y a manque de savoirs techniques au niveau du siège
(nutritionnistes, hydrologistes etc..), des décalages de paiement lorsqu'il
est décidé que l'action sur place n'est plus une action d'urgence
mais une action de développement par exemple : le temps que les
fonds soient réellement débloqués, la mission sur place
ne s'interrompt pas pour autant. Il y a donc un décalage entre le terrain
et la base.
L'association est maintenant à
la recherche de partenariats privés et industriels pour se faire davantage
connaître et élargir ses fonds. Alors, il serait peut-être
intéressant d’envisager pour l’association
solidarités
des partenariats avec des clubs de réflexion et d'échange, comme
le Club Pangloss par exemple, dans un souci d'information et d’ouverture sur
l'urgence humanitaire et les besoins qu'elle implique ? Il y a en effet, beaucoup
à faire pour faire évoluer les choses et pour que les mentalités
se modifient.
Emmanuelle MOLLET
& Perrine de CALONNE