DINER-DEBAT

avec

Monsieur Pierre-Denis COUX

Directeur du projet LGV Sud Europe Atlantique (SEA)
Mardi 30 juin 2009
" Les Partenariats Public-Privé (PPP) apportent ils une nouvelle vision du contrat avec des opérateurs privés ? "
 
Durant ces dernières années, le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du Territoire a développé une approche PPP (Concessions autoroutières) sur la base du contrat d’adhésion, soit un contrat entièrement pré-écrit où n’étaient possibles que des insertions de données quantitatives (prix, délais).

Quelles sont les conceptions du partenariat public privé sous tendues par ces approches ?
Quelles sont les différences entre les contextes de passation de ces opérations, notamment quand à l’équilibre des compétences techniques, juridiques et financières des partenaires ?
Quelle peut être la meilleure pratique d’échange (négociation, dialogue) entre partenaires publics et privés, quels objectifs et quel encadrement doit on donner à ces échanges ? »

Pierre-Denis Coux, Ingénieur des Travaux Publics de l’Etat, a été, de 2004 à 2008 chef du service de la gestion autoroutière déléguée de la direction générale des routes au ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.
En septembre 2008, il décide de passer de la route au fer, et prend à RFF la direction du projet LGV Sud Europe Atlantique (SEA). Il doit réaliser une « première » : concéder la construction, l’exploitation et l’entretien et une partie du financement d’une ligne à grande vitesse insérée au cœur du réseau ferré national.
Ancien élève de l’ENA (promotion 1989 « Liberté, Egalité, Fraternité »).
De 1997 à 2000, il a œuvré comme directeur adjoint de la direction départementale de l’Equipement du Val d’Oise en charge de l’urbanisme, de l’aménagement, de l’habitat et de la politique de la Ville. Puis, de 2000 à 2004, comme sous-directeur du financement et du budget à la direction générale de l’urbanisme de l’habitat et de la construction au ministère de l’Equipement.

Cercle Militaire, Paris 8

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Compte-rendu

Alain Genel, président du Club Pangloss, remercie M. Pierre-Denis Coux d’avoir accepté l’invitation à ce dîner-débat sur les PPP. Celui-ci retrace rapidement les grandes lignes de son parcours professionnel. Ingénieur des Travaux Publics de l’Etat (TPE) et ancien élève de l’ENA, Pierre-Denis Coux a successivement travaillé en DDE puis au ministère de l’Equipement à la DGUHC (direction générale de l’urbanisme, de l’Habitat et de la construction). Il a été de 2004 à 2008 en charge de la gestion autoroutière déléguée à la Direction Générale des Routes. Il est aujourd’hui directeur du projet LGV Sud Europe Atlantique chez RFF.

J. Petitjean et O. Naar, délégués de la promotion 2009 de la FNEP, présentent ensuite les membres de la Mission 2009 qui travaillent actuellement sur le sujet des PPP.

O. Naar introduit le débat en constatant la difficulté qu’ont les PPP à « décoller » depuis l’élaboration du cadre juridique des contrats de partenariat en 2004. En particulier, il s’interroge sur la « demande » de PPP de la part des donneurs d’ordres publics. Que doivent-ils attendre du dialogue avec le privé – notamment lors de la procédure de passation du contrat -, que cela implique t il dans leur organisation ?

PD Coux note en premier lieu qu’il y a un effet de mode autour des PPP. Il souligne à cet égard que la question à se poser est davantage « pourquoi faire un PPP ? » que « comment faire un PPP ? ».

Il évoque ensuite sa propre expérience qui concerne plutôt les délégations de service public (DSP, « concession ») que les « Contrats de Partenariat » au sens de l’ordonnance de 2004. Dans ce cadre, le mode de passation de ces contrats relevait d’une procédure négociée et non d’un dialogue compétitif.

La procédure négociée laisse à son sens de larges possibilités de dialogue avec le partenaire privé. Ce dialogue augure d’ailleurs du dialogue permanent qui devra s’instaurer entre les partenaires publics et privés sur toute la durée du contrat. Il réfute donc toute idée de « contrat d’adhésion » imposé par l’administration au partenaire privé et estime au contraire que la procédure négociée permet un certain pragmatisme dans la rédaction des contrats.

Toutefois, il souligne que la passation de ces contrats, dont les enjeux financiers sont très lourds, nécessite de s’inscrire dans un cadre procédural prédéfini et très transparent : il s’agit d’éviter tout risque de contentieux et d’améliorer également la comparabilité des offres.

Les concessions autoroutières, dont le « marché » est bien maîtrisé par l’ensemble des partenaires, ont ainsi fait l’objet de plusieurs contrats sur cette base dans les années 2004-2006. PD Coux reconnaît que le marché des « concessions ferroviaires » est aujourd’hui moins bien appréhendé. La procédure à « deux tours » mise en place par RFF a justement pour but de tester le marché dans une première phase et de proposer ensuite un cadre commun permettant autant que possible de sécuriser juridiquement la passation du contrat et de faciliter la comparaison des offres.

PD Coux nous fait également part de ses interrogations vis à vis de la procédure du dialogue compétitif (procédure de « la feuille blanche »). Il estime notamment que celle-ci ne se justifie pas dans les domaines où l’Etat a une maîtrise technique certaine de l’objet du contrat (notamment dans le domaine des routes ou du fer). Cette procédure pourrait avoir plus de sens dans des domaines où l’innovation est plus marquée comme le secteur des télécoms. Toutefois, il pointe la difficulté, selon lui, d’aboutir dans ce cadre à une gestion contractuelle équilibrée. Il ne voit pas non plus comment en pratique assurer le respect de la propriété intellectuelle de chaque candidat lors de la procédure de dialogue compétitif.

Ainsi, la diffusion de l’outil du contrat de partenariat auprès de collectivités locales insuffisamment dotées en moyens et personnels ne lui parait personnellement pas forcément souhaitable. Ces contrats doivent être portés par des administrations ayant une maîtrise technique et contractuelle suffisante (intercommunalités, …). Il est sur ce sujet très étonné et perplexe sur l’organisation très légère de l’administration anglaise dans sa gestion des PFI.

PD Coux souligne que l’intérêt majeur des PPP réside dans le caractère global du contrat (investissement et exploitation). Il note que l’administration a toujours du mal à prendre en compte et valoriser les contraintes de fonctionnement quand elle décide d’un investissement (routes, bâtiments…). Il note également que ces contrats « clef en main » apportent de plus une garantie sur les coûts et les délais de réalisation. La contrepartie en est le coût financier plus élevé.

Interrogé sur le projet de Ligne à Grande Vitesse Sud Europe Atlantique (LGV SEA), PD Coux en présente le contenu. Le projet LGV SEA consiste à construire une ligne nouvelle à grande vitesse entre Tours et Bordeaux. Le gain de temps attendu est de l’ordre de 50 minutes sur le trajet complet.

RFF développe actuellement deux projets en contrat de partenariat (LGV Bretagne Pays de Loire - BPL - et contournement de Montpellier). Pour le projet de LGV SEA, le choix a été fait du recours à la concession avec un transfert du risque trafic au partenaire privé.

Ce point est une novation : à la différence des concessions autoroutières, le péage n’est pas directement appliqué à l’usager final mais à l’opérateur ferroviaire (SNCF, et demain ses concurrents). Cela rend ainsi l’exercice de prévisions de trafic plus délicat : il s’agit non seulement de prévoir le trafic de voyageurs mais également sa transformation en nombre de trains. Force est de constater que la SNCF était de fait l’une des seules entreprises à avoir développé cette expertise.

Le financement de ce projet reposera pour moitié sur le partenaire privé et RFF (de l’ordre de 3 Md€) et pour moitié sur le partenaire public. La crise financière rend le financement privé très difficile malgré le recours à des financements fléchés (BEI,…)

La quote-part publique sera supportée pour moitié par les collectivités locales (en fonction de leur taille, de l’intérêt du projet pour celle-ci, etc…) ; les négociations sont là aussi difficiles. Il convient de noter que compte tenu de leur participation, les collectivités locales sont bien sûr associées à l’équilibre contractuel qui sera mis en place.

L’enjeu de la nouvelle LGV porte également sur l’aménagement du territoire : positionnement de la gare en centre ville ou sur un site nouveau, choix du tracé (PD Coux évoque Angoulême attachée au TGV, faute d’être sur un tracé autoroutier… ).

Du point de vue financier, PD Coux note que le financement des grandes opérations ne fait pas en France appel à des opérations foncières associées (ou taxation spécifique sur la plus-value immobilière) contrairement à ce qui se fait dans d’autres pays.

Interrogé sur le partage des rôles (infrastructures, foncier, système de contrôle…), PD Coux note qu’il est souhaitable dans la gestion contractuelle de limiter le nombre d’interfaces susceptibles d’être des points de difficultés futures.
Jean-Vianney D’Halluin (MP2009)