DINER-DEBAT

avec

Monsieur Marc LE FUR

Vice-président de l’Assemblée Nationale (MS1987)
Mercredi 20 mars 2019
" Le Parlement au cœur du débat institutionnel "
 
Marc Le Fur (MS1987) est diplômé de Sciences-Po et de l’Ecole Nationale d’Administration (promotion « Solidarité »). Il est resté très attaché à sa Bretagne natale. En 1983, il est nommé Directeur de Cabinet du Préfet des Côtes d’Armor. Après un passage dans la Somme, il entre au Cabinet d’Edouard Balladur alors Ministre des Finances du gouvernement de Jacques Chirac en 1986. En 1990, il devient Directeur général des services du département des Deux-Sèvres où il met en place les premières mesures de décentralisation. En 1993, il est élu à 37 ans député dans la circonscription de Loudéac-Lamballe. Il devient ensuite Conseiller régional de Bretagne en 1998 puis Conseiller général du canton de Quintin en 2001, mandat exercé jusqu’en 2015. En 2002, il retrouve son siège de député et siège à la commission des finances. Depuis 2007, il occupe la fonction de Vice-président de l’Assemblée nationale. Très impliqué dans le débat budgétaire Marc Le Fur est également actif sur les sujets institutionnels, agricoles et économique. Il défend également les intérêts de la Bretagne sur des sujets tels que l’accessibilité au territoire, la démographie médicale, les langues régionales ou plus récemment les conséquences du Brexit. Conseiller Régional de Bretagne depuis 2015, Marc Le Fur préside le groupe « Droite, Centre et Régionalistes » à la Région.

Le Parlement est au cœur du débat institutionnel actuel. Réduction du nombre de parlementaires, évolution de ses activités de contrôle, place du droit d’amendement, organisation du bicamérisme, équilibre entre démocratie représentative et démocratie participative et directe : les enjeux sont nombreux. La réforme institutionnelle en cours et le grand débat national vont sens aucun doute se traduire par une évolution de nos institutions et nécessairement du rôle de la place du Parlement. Marc Le Fur abordera ces divers points et répondra aux questions de l’assistance.

photo n°1 - dd_fur photo n°2 - dd_fur photo n°3 - dd_fur photo n°4 - dd_fur photo n°5 - dd_fur photo n°6 - dd_fur photo n°7 - dd_fur photo n°8 - dd_fur photo n°9 - dd_fur photo n°10 - dd_fur photo n°11 - dd_fur photo n°12 - dd_fur photo n°13 - dd_fur photo n°14 - dd_fur photo n°15 - dd_fur Photos André Chauvin  (pour agrandir une photo cliquer dessus)
Compte-rendu

Marc Le Fur (MS 1987) est l’un des plus anciens députés. Il est député LR des Côtes-d’Armor depuis 25 ans, actuellement dans son cinquième mandat.

1. Organisation de l’Assemblée nationale

L’organisation de l’Assemblée nationale est régie par la Constitution du 4 octobre 1958. Elle est l’une des deux chambres, avec le Sénat, qui constituent le Parlement, et la principale institution du pouvoir législatif, qui contrôle l’activité gouvernementale. L’Assemblée nationale compte 577 députés.

Sous la Vème République, les députés sont élus au suffrage universel direct avec un scrutin uninominal majoritaire à deux tours, dans des circonscriptions comprenant en moyenne 100 000 habitants. Il existe des inégalités entre les circonscriptions rurales moins peuplées et les circonscriptions urbaines.

Le Parlement se réunit de plein droit en une session ordinaire de neuf mois qui commence le premier jour ouvrable d’octobre et prend fin le dernier jour ouvrable de juin. Le Premier ministre peut décider de la tenue de jours de session supplémentaires.

Un texte de loi peut avoir pour origine le Premier ministre (projet de loi) ou un membre du Parlement (proposition de loi). Il peut être déposé soit devant l’Assemblée nationale soit devant le Sénat. Toutefois, les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale. Les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat. Pour un projet ou une proposition de loi ordinaire, le texte est d’abord soumis à l’une des 8 commissions parlementaires permanentes, ou, le cas échéant, à une commission spéciale désignée à cet effet. Les députés ont le droit d’amendement, en commission ou en séance.

Marc Le Fur nous indique que les séances de discussion d’amendements, comme celle à laquelle nous avons assisté, sur la loi santé, font partie du travail le plus intéressant de l’Assemblée. Les horaires de travail sont de 10 h à 13 h puis de 15 h à 20 h 30, avant une éventuelle séance de nuit de 22 h à 1 h du matin, du lundi après-midi au vendredi, et parfois le samedi. Selon lui un député ne peut pas être présent en permanence dans l’hémicycle car il doit participer au travail parlementaire en commission pour préparer les projets de loi. Usuellement, une commission dispose de six semaines pour étudier un projet en première lecture. Les commissions sont présidées par des membres de la majorité à l’exception de la commission des finances dont la présidence revient à l’opposition. Les députés choisissent les commissions auxquelles ils participent selon leur intérêt. L’exécutif peut souhaiter traiter directement avec le peuple par l’intermédiaire des médias, qui trouvent un intérêt à ce jeu, et évite ainsi la difficulté de devoir argumenter face à des spécialistes, mais alors le contrôle parlementaire ne se fait plus.

Le Parlement se réunit, depuis 1995, en une seule session ordinaire, qui débute le premier jour ouvrable d'octobre et s'achève le dernier jour ouvrable de juin. Des sessions extraordinaires peuvent se tenir en dehors de la période de la session ordinaire. La durée et l'objet d’une session extraordinaire doivent faire l'objet d'une convocation spéciale. La convocation en session extraordinaire du Parlement ne peut intervenir qu'entre juillet et septembre, et uniquement à la demande du Premier ministre ou de la majorité des membres de l'Assemblée nationale. Un décret présidentiel ouvre et clôt les sessions extraordinaires.

Marc Le Fur indique qu’il est plutôt heureux que tous les députés ne soient pas présents car sinon cela ralentirait le travail parlementaire qui mordrait encore plus sur les fins de semaines et réduirait le temps disponible pour permettre aux députés d’aller dans leur circonscription. Toutefois l’image des travées relativement vides, sauf lors des séances d’audition du gouvernement le mardi, n’est pas bonne. Marc Le Fur souligne que le nombre des députés en France est plutôt inférieur à celui des pays voisins de l’UE. Les Anglais élisent eux plus de députés qu’il n’y a de sièges, ce qui fait que leurs rangs sont toujours pleins !

2. Les évolutions récentes de la représentation parlementaire

Marc Le Fur rappelle d’abord que tout mandat impératif est nul, et que le droit de vote des députés est personnel, conformément à l’article 27 de la Constitution française. Les administrateurs de l'Assemblée nationale sont au service de chaque député et ne lui sont pas attachés.

Marc Le Fur est critique sur les réformes déjà engagées ainsi que sur les propositions envisagées. Le projet de simplification du mille-feuille territorial visant à supprimer les départements n’a malheureusement pas abouti. Marc Le Fur est partisan de la suppression du département, les conseillers départementaux et les conseillers régionaux devenant des conseillers territoriaux.

Les réformes intervenues au niveau des échelons administratifs ont eu pour effet d’ajouter de nouvelles couches et de générer des doublons, sources d’inefficacité et d’augmentation des coûts de fonctionnement. Les marges de manœuvre du gouvernement sont inexistantes. La réduction des dépenses publiques devrait être une priorité. Personne pourtant n’envisage sérieusement de mettre en œuvre cette réduction, pourtant mise en œuvre dans beaucoup de pays de l’UE.

Sur la question de savoir si le coût et le nombre des députés serait excessif, Marc Le Fur estime que la limitation du cumul des mandats a eu pour effet pervers de limiter la connaissance du terrain par les députés. Qu’il s’agisse du cumul d’un même mandat de député dans le temps ou du cumul d’un mandat national et d’un mandat local, Marc Le Fur pense que c’est un facteur de compétence et donc d’autorité du législateur face aux administrations. Il indispensable pour l’équilibre des pouvoirs d’avoir des parlementaires expérimentés et techniquement compétents.

La réduction du nombre de députés aurait pour conséquence d’augmenter le nombre d’électeurs que chaque député représente et donc de réduire sa représentativité. Avec une circonscription de près de 120 000 électeurs, Marc Le Fur estime que c’est un maximum pour avoir des représentants qui connaissent le terrain et aient des contacts personnels avec les électeurs. Au-delà, on sort des règles de notre démocratie parlementaire qui conduisent le député à faire en permanence la synthèse entre sa vocation de représentants de la nation et d’expression du peuple français dans toute sa diversité.

Une question est posée sur la contradiction possible entre la représentation de l’intérêt général et celle des intérêts particuliers des électeurs. Pour Marc Le Fur, il n’y a pas contradiction mais complémentarité, car en connaissant la complexité des situations locales, le député peut prendre des décisions plus éclairées au niveau national.

Le maintien d’un contre-pouvoir législatif lui paraît indispensable pour le fonctionnement harmonieux du système démocratique. A défaut, les revendications s’exprimeraient dans la rue.

Pour la législature actuelle, l’arrivée de nombreux jeunes députés a apporté un vent rafraîchissant. Mais ils ne sont pas passés par le cursus habituel d’élections locales qui permettent de prendre le pouls de la population dans des réunions de terrain ou sur les marchés. Pour représenter la population, il n’est pas nécessaire de recourir à des quotas représentatifs des catégories socio-professionnelles, mais il est utile de mesurer la pauvreté sur le terrain, comme l’impact du prix du pain ou des carburants très perceptible en Côtes-d’Armor. Une meilleure appréhension de ces ressentis aurait peut-être permis d’éviter les tensions sociales actuelles.

Marc Le Fur est contre le système de la représentation proportionnelle, qui ne saurait selon lui que générer un mauvais fonctionnement du Parlement. L’introduction d’une dose de proportionnelle n’améliorerait pas la représentation de la population, au contraire ; un député ne peut pas représenter correctement plus de 120 000 électeurs et l’introduction d’une dose de proportionnelle conduirait, par exemple à réduire de 5 à 3, le nombre de circonscriptions en Côtes-d’Armor, avec, par conséquent, un plus grand nombre d’électeurs par député.

La représentation de l’ensemble du corps électoral lui paraît nécessaire au bon fonctionnement démocratique. Ainsi, une assemblée composée essentiellement d’élus provenant du monde de l’entreprise, sans aucune expérience du terrain, ne pourrait avoir qu’un comportement de managers, dans une optique partielle, sinon partiale (calquée sur la gestion d’une entreprise), et forcément réductrice.

La mode des startups ne saurait, selon lui, constituer la panacée. Il voit mal par exemple comment reconvertir les employés de la filière porcine dans les startups.

Marc Le Fur indique que le vote électronique a été abandonné au profit du vote à main levée. Le premier avait donné lieu à des abus, quand les députés pouvaient voter pour tout son groupe, voire pour des députés d’un (ou d’) autre(s) groupe(s), intentionnellement ou non. Il en résultait parfois des erreurs, les présents allant actionner les boutons des pupitres des rangées au-delà de l’emplacement de leurs collègues de groupe.

A une question sur l’absence fréquente de publication de décrets d’application des lois, il tient à minimiser le phénomène en indiquant d’abord que les principales lois, notamment dans le domaine fiscal, n’ont pas besoin de décrets pour être appliquées, et que les rapporteurs des lois ont le pouvoir d’en suivre la sortie auprès des administrations concernées.

3. Conditions de travail et rémunération

Les parlementaires français ne sont pas les mieux lotis. Le niveau de rémunération et les moyens des parlementaires dépendent des pays : en Allemagne, les moyens sont mis sur les assistants au niveau du groupe parlementaire, qui concentre les effectifs et les compétences ; aux USA, chaque parlementaire dispose d’une importante équipe en propre ; en France, c’est l’administration parlementaire qui concentre les effectifs : les administrateurs dépendent de l’Assemblée et du Sénat et sont mis à la disposition des parlementaires. L’Assemblée Nationale a un coût de fonctionnement de 565 millions d’euros (devant le Sénat : 320 millions, et l’Elysée : 100 millions).

On constate au fur à mesure des législatures une extension des séances : les lois sont techniques, complexes, le jeu de l’opposition parlementaire s’intensifie car l’opposition est diluée, et le Gouvernement impose un rythme de réforme soutenu. Du coup l’agenda parlementaire ne permet plus le cumul des mandats et rend nécessaire la conservation de moyens d’appui importants. Les administrateurs parlementaires français figurent parmi les meilleurs car leur concours de recrutement est très sélectif ; il est réputé être l’un des plus difficiles de l’administration.

4. Sur le lobbying

La France reconnaît peu à peu le lobbying pour l’encadrer. Toutefois, on revient de loin tant l’idéal démocratique latin exclut le lobbying, à la différence des démocraties anglo-saxonnes. Avec des lois de plus en plus techniques dans un monde complexe, les entreprises, les syndicats, les associations sont de plus en plus présents dans le jeu parlementaire (préparation d’amendements, auditions…).

Marc Le Fur ne redoute pas les lobbies dans la mesure où les décisions collégiales des députés permettent de limiter leur influence. Un registre identifie les lobbies. Il est plus préoccupé par l’état des PME et du niveau du chômage dans son département. Ainsi Marc Le Fur précise : « J'ai la chance d'avoir un taux de chômage limité à 6 %. Ma préoccupation est de surveiller la bonne santé des cinquante PME qui font le dynamisme d'une circonscription. ».

L’assistance est sensible à la sincérité des propos de l’orateur sur des questions parfois difficiles qu’il n’a pas cherché à éluder ainsi qu’au climat de convivialité qui a présidé à cet échange. Au nom de tous, Bernard Jacob, président du Club Pangloss remercie chaleureusement Marc Le Fur ainsi que toute son équipe pour cette soirée qui fera date dans l’histoire du Club Pangloss.

Compte rendu rédigé par Pierre Avignon (MS 1987), André Chauvin (MS 1992), François Giger (MP 1978), Benoît Weymuller (MP 1977)