DINER-DEBAT

avec

Monsieur Pierre-André PERISSOL (MP1971)

Ancien Ministre, Vice-Président du Conseil Régional d'Auvergne, Maire de Moulins
Mardi 11 décembre 2001
" Réformer en France: volonté, résistance, action "
 


Ingénieur Général des Ponts et Chaussées, Ancien Ministre de Logement, Ancien Président Fondateur du Crédit Immobilier de France, et Maire de Moulins, Pierre-André PERISSOL dispose d'une large expérience qui permettra d'ouvrir un débat nourri sur la problématique et la faisabilité de la réforme en France.
Le débat s'articulera autour de trois niveaux de pratique:
• Le niveau socio-professionnel, avec la création du réseau du Crédit Immobilier de France ou la sortie dans le monde concurrentiel de sociétés à statut de marché protégé,
• Le niveau d'une collectivité locale avec le redressement économique et la revalorisation de la Ville de Moulins, ou comment redresser une courbe de déclin et redonner confiance,
• Le niveau national avec les réformes menées comme Ministre du Logement : prêt à 0%, amortissement dit Périssol ... ou comment réformer l'ensemble du dispositif des aides publiques au Logement.

Cercle Militaire, Paris 8

photo n°1 - dd_perissol photo n°2 - dd_perissol photo n°3 - dd_perissol photo n°4 - dd_perissol photo n°5 - dd_perissol photo n°6 - dd_perissol photo n°7 - dd_perissol (pour agrandir une photo cliquer dessus)
Compte-rendu

Regard sur l'action politique : faire ou ne pas faire ?

Selon Pierre-André PERISSOL - Ancien Ministre, Maire et Vice-Président de Conseil Régional - le discours politique français actuel souffre d'une étrange maladie : être de manière chronique atteint d'une crise au cours de laquelle, en général quelques mois avant une échéance électorale, une explosion de publications vient dénoncer "ce qui ne va pas" tout en étant cependant incapable de dire "ce que l'on fera" lorsque les citoyens auront bien voulu élire les protagonistes. De même, ce discours voit-il tout autant apparaître de nombreuses explications sur le "pourquoi je n'ai rien pu faire..." après avoir été aux affaires publiques sans avoir réalisé de réformes fondamentales. Que fit donc Pierre-André PERISSOL lorsqu'il fut aux affaires en tant que Ministre chargé de la politique du logement ?
La politique du logement en France avait connu sa dernière grande réforme en 1975 avec l'objectif de "faire de la France une nation de propriétaires". Cette réforme fut bâtie avec sagesse sur les hypothèses suivantes : croissance des revenus de l'ordre de 6 à 7% par an, inflation soutenable au-delà de 10% et chômage de l'ordre du demi million... et surtout une très forte hypothèse sociologique de stabilité des familles et un constat, probablement toujours pertinent, que les ménages investissent 4 à 5 années de revenus dans leur logement. Les années 80 se firent fort d'invalider toutes ces prédictions... tandis que le système soutenant la politique du logement en France perdurait, sans être remis en cause, absorbant globalement une enveloppe de 70 milliards de francs par an. On constatait bien entendu que le système atteignait de moins en moins l'objectif assigné sans que ne se dégage une réelle réflexion l'élaboration d'actions plus efficaces car adaptées aux nouvelles données.
L'administration a horreur du vide : faute d'idées émergeant des politiques, elle se charge bien entendu de développer les siennes. Le "Budget" est là pour nous dire que si le système marche mal, il faut supprimer la dépense, le Ministère technique, à l'inverse, souhaitant lui mettre en œuvre de plus en plus de moyens - financiers of course - pour que cela marche mieux...Résultat dû aux lois de la physique : plus rien ne bouge et donc pas de réforme. Equilibre ou immobilisme : on peut choisir !
Prenant les fonctions de Ministre chargé de la politique du logement dans le contexte du milieu des années nonante, P-A. PERISSOL a souhaité immédiatement revoir les fondements de la politique du logement et fonder sur son action non sur "faire plus" mais "faire autrement". A partir d'une nouvelle réflexion sur les objectifs et le contexte prévalant à l'époque son action fut fondée sur les faits suivants :
    • Des taux de l'argent très élevés. La priorité fut donc de baisser le taux du crédit dans un contexte de baisse drastique du taux d'inflation (problématique non prévue en 1975...).
    • L'immobilier était un secteur auquel était appliqué un régime fiscal différent de celui concernant l'investissement industriel ce qui avait conduit à un tarissement de l'investissement immobilier dans un pays réputé pour être très attaché à la pierre.
    • Une augmentation du nombre de sinistres immobiliers dû en priorité à un taux d'éclatement des ménages croissant (un ménage sur deux en région parisienne).

Les réponses vous sont connues : création du prêt à taux zéro (connu de la majorité des français dès son annonce et avant toute action d'information), création de logements d'urgence et création de l'amendement bien connu qui permis à Pierre-André PERISSOL d'entrer dans la postérité fiscale. Tout ceci fut mis en place à un coût budgétaire direct quasi-nul car s'étant accompagné de la suppression de dispositifs d'aide devenus obsolètes.

La réforme : comment faire ?

On retiendra les orientations suivantes : "avoir le courage de dire ce que l'on va faire" (NDLR [et j'ajouterai "comment on va le faire]), accepter que la notion d'état de grâce a vécu et reconnaître que les citoyens ont la capacité de comprendre "la nécessité de réforme, dès lors que l'on a le courage de dire pourquoi on le fait". Très bien. Comme le fait remarquer un convive impertinent : "cela marche pour le logement", sujet technique pour lequel les foules descendent rarement dans les rue... Pour les retraites et l'éducation, les sujets sont autrement plus explosifs et risqués... !
Sur le premier sujet - les retraites - P-A. PERISSOL pense que les citoyens français ont parfaitement compris que "quelque chose devrait être fait sur ce sujet" et sont donc largement prêts à accepter la réforme dès lors qu'elle cessera de s'attaquer à certaines catégories... qui auront toutes les raisons du monde de refuser une réforme qui ne traite pas globalement de cette question. Pour la question de l'Education Nationale, le problème se pose différemment : selon P-A. PERISSOL, toute la classe politique s'accorde pour produire un discours répondant à la demande généralement exprimée : "plus on mobilise de moyens, mieux ça ira" ce qui tue d'office toute réflexion sur le "faire autrement". Dès lors on se dispense de dire "ce qui doit être modifié et comment on va le faire". Bref pour tous les politiques, l'Education est "une priorité" (ce que tout le monde veut entendre) et il est considéré nécessaire d'en faire toujours plus (ce que tout le monde veut également entendre). Plus aucun responsable politique n'ose poser la question consistant à se demander ce qui doit être prioritaire et ce qui ne l'est plus en manière de politique d'Education Nationale. Aujourd'hui, la vraie question de la réforme de l'Education ne serait donc plus celle de "faire plus" mais de définir les priorités, démarche qui nécessite d'avoir le courage de définir ce qui n'est plus prioritaire...
En matière de réforme, P-A. PERISSOL récuse l'idée selon laquelle la droite actuelle, à la veille d'échéances électorales importantes serait en panne de projets. Si un tel constat devait selon lui être formulé, il s'appliquerait également avec pertinence à la gauche...

Du local et encore du local...

P-A. PERISSOL ne fut pas que ministre : il est aussi élu local. Quel est - en tant que Maire - sa priorité puisqu'il nous invite à en fixer en matière de réforme ? Pas de règle absolue : la priorité en tant que Maire de Moulins fut de recréer "une confiance" de donner une perspective à des acteurs locaux percevant leur déclin ou leur marginalisation économique comme une fatalité. Confiance obtenue en parvenant à maintenir sur place deux sites industriels promis à la fermeture et en favorisant l'installation d'une nouvelle implantation. Au-delà de ces résultats, l'action prioritaire a consisté à donner une image autre de Moulins, en faisant de cette ville un rendez-vous historique et culturel pour 2003 puisque la ville hébergera en un site unique quelques 10 000 costumes historiques. Nous avons donc rendez-vous pour cet évènement pour lequel il a fallu convaincre localement de son importance...
Avons-nous trop de communes en France ? Avec 36 000 communes, donc 36 000 maires, la France compte autant de communes que tous les autres pays de l'Union Européenne réunis. Selon P-A. PERISSOL réformer ce morcellement de manière frontale par la fusion des communes est condamné à l'échec : avec 500 000 élus, la France est aussi un des pays comptant le plus grand nombre d'élus par habitant, élus auxquels les français tiennent. Un constat s'impose : la carte du développement régional épouse soigneusement la carte de l'intercommunalité, de la densité de structures intercommunales. Il faut que les élus locaux en tirent les conséquences.
P-A. PERISSOL aspire-t-il à être élu national et comment concilier les fonctions avec le dicton qui veut que l'on ne puisse "être au champ et à la ville" ? Une réalité s'impose à la carrière politique : les élus qui quittèrent leur base locale pour une action nationale, l'ont souvent (pour ne pas dire quasiment toujours) "payé" en ayant été "oubliés" par la suite. Le problème n'est pas le cumul de mandats à différents niveaux mais le cumul dans le temps : pourquoi ne pas adopter la règle américaine qui prohibe le cumul de plus deux mandats consécutifs ? La question du cumul des mandats locaux, nationaux et européens serait automatiquement solutionnée. Une réforme dont les politiques parlent peu mais qui semble plaisante à un moment où le débat parle du renouvellement de la classe politique... Dire ce que l'on va faire et faire ce que l'on dit, là encore...

Mot pour la fin et l'avenir...

Pierre-André PERISSOL fut l'un des premiers missionnaires de la FNEP (1971) : une mission qui lui fit découvrir le monde de l'Amérique latine des années septante - et ses agitations tragiques en cours et à venir. Plus récemment, la mission organisée par le Club avec le soutien de la Fondation en octobre 1999 à Chicago sur le thème de l'éducation, lui a permis de découvrir une approche originale sur cette question qui figure au hit parade de l'agenda de tout discours politique français.

La Fondation et le Club ne feront pas de vous un ministre, mais il est toujours satisfaisant et gratifiant d'imaginer que leurs actions aient pu contribuer à en alimenter la réflexion voire l'action. Merci donc !
Xavier DELVART (MP 1993)