DINER-DEBAT

avec

Monsieur Christian SAUTTER

Secrétaire d ’Etat au Budget auprès du Ministre de l'Économie, des Finances et de l’Industrie
Mardi 16 mars 1999
" Un budget, pour la croissance et pour l’emploi "
 
Christian SAUTTER est Secrétaire d’État au Budget depuis 1997. Ancien élève de l’École Polytechnique et de l’ENSAE (École Nationale de la Statistique et de l’Administration Économique), il a commencé sa carrière à l’INSEE, puis au CEPII (Centre d’études prospectives et d’informations internationales). De 1982 à 1985 et de 1988 à 1991, il est Secrétaire Général adjoint de la Présidence de la République, puis en 1991 il devient Préfet de Paris et de la Région Ile-de-France. En 1993, il est nommé Inspecteur Général des Finances. Il est par ailleurs spécialiste du Japon, sur lequel il a écrit de nombreux livres dont le plus récent "La France au miroir du Japon" (1996). Il est Directeur d’études sur l’économie japonaise à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales.

Hotel Hilton, Paris 7

photo n°1 - dd_sautter (pour agrandir une photo cliquer dessus)
Compte-rendu

On n’a pas nécessairement la chance d'avoir tous les jours un ministre à sa table... Les anciens élèves de l'ENSAE - regroupés au sein de l'ASTEC - et les anciens lauréats de la FNEP, membres du Club PANGLOSS, eurent cette opportunité le mardi 16 mars 1999 dans le cadre d'un dîner-débat avec Monsieur Christian Sautter, Secrétaire d'État au Budget qui consacra une soirée à nous expliquer les charmes et les mystères du budget. Ancien élève de l'École Polytechnique et de l'ENSAE, le Ministre, après un parcours allant du Secrétariat Général de la Présidence de la République à la Préfecture de la Région Île-de -France, manie les chiffres avec aisance pour répondre à de nombreuses questions, qui, "à la différence de la télévision", n'avaient pas été préparées à l’avance. Bel effort de sincérité et de spontanéité que l'on pu apprécier au cours de cette soirée...

Dans le désordre et pour se mettre en appétit, quelques petits tapas sous forme de chiffres pour mettre nos idées au clair sur le thème de la soirée : "un budget pour la croissance et l’emploi ". La croissance de l'investissement productif, faible durant les années 90, s'est réveillée en 1998, sans que l’on sache vraiment si le mouvement sera pérenne et si les modèles économétriques sont toujours pertinents pour apprécier les effets induits de l’investissement productif, selon qu’il est généré au titre de l’industrie manufacturière ou des services (ndlr: ouf !)… Néanmoins – malgré cette difficulté méthodologique parfaitement surmontable pour la soirée – nous apprenons que 300 000 emplois furent créés en 1998. Les dépenses au titre de l'emploi, de l'éducation nationale, de la recherche, de la sécurité et de la justice croissent en volume de 30 Milliards face à une charge de la dette qui en représente 237 en 1999... Le budget aura une croissance réelle de 0% en 1998, de 1% en 1999 et de 1% en volume ultérieurement jusqu'en 2002… Les impôts n'évoluent pas nécessairement dans le sens que tout contribuable anticipe : la TVA, la taxe professionnelle sont en baisse tandis que le Ministère des Finances s'ingénie à trouver les chemins mystérieux d'un rééquilibrage de la fiscalité entre revenu du capital et revenu du travail. Les contrôles fiscaux, qu'un convive souhaitait voir renvoyés aux oubliettes, génèrent environ 73 Milliards de recettes ; comme le rappelle le Ministre, on aime généralement d'autant moins les contrôles fiscaux qu'ils sont efficaces. Le Ministre compatit en réponse à une question sur le sort fiscal français - particulièrement injuste - fait aux contribuables célibataires gagnant plus de… 50 000 FRF par mois... En revanche, les quelques 760 000 associations - employant 1,3 Million de personnes et 7 Millions de bénévoles - ont vu leur horizon se clarifier en 1998 par une instruction fiscale en date du 15 septembre. Selon leur caractère "un peu, modérément ou passionnément lucratifs", les associations bénéficient de charges fiscales adaptées à la réalité de leur situation et à leur activité. Afin de contribuer à une remise en ordre du monde associatif, celui-ci se voit accordé un "grand pardon" fiscal par un effacement des dettes fiscales résultant d'une situation antérieure que l'État s'était peu efforcé de clarifier.

Derrière une certaine abondance de chiffres, le Ministre rappelle quelques principes que nous aurions pu perdre de vue : 1998 fut la meilleure année en termes de taux de croissance de la décennie des années 90, grâce à une politique favorisant la demande stimulée "fiscalement", notamment par le crédit d'impôt "entretien", la suppression de la TVA sur les terrains à bâtir et la baisse des droits de mutation. Le budget de l’État, dont le Ministre a la charge, se veut un instrument de croissance mais aussi de solidarité grâce à des efforts allant dans le sens d’une volonté de "dépenser mieux", ce qui peut se comprendre comme "plus social"... et pour cause : le chômage et l'emploi furent largement abordés dans les questions des convives. Le Ministre prend ses distances avec la proposition d’un participant visant à résoudre le sort des 3 millions de chômeurs par le maniement, un peu directif, d’une règle simpliste consistant à diminuer les salaires pour affecter les fonds égagés d’une manière un peu "militaire" à des emplois qui pourraient être créés en contrepartie. Un détour par les enseignements du rapport Malinvaud permettra de se souvenir que la croissance seule ne permettrait pas de résorber l'ensemble du chômage et qu'il n'est pas simple d'aller chercher les recettes compensant les exonérations accordées en vue de favoriser la création d'emplois pour les chômeurs non qualifiés. Entre cotisations assises sur la valeur ajoutée ou modulation des taux de cotisation en fonction des revenus, personne n’a pu encore dire quelle était la meilleure solution. De la même manière, et invoquant la citation du Premier Ministre – "oui à l’économie de marché, non à la société de marché ", le Ministre rappelle la latitude d'appréciation qu'il garde face au modèle américain invoqué de manière laudative par certaines questions à la tonalité fortement "entrepreneuriale", et parfois étayées par une foultitude de chiffres (NDLR - il vrai que la soirée était consacrée à l’autopsie du budget de l’Etat).

Christian Sautter est aussi un expert de l’économie nippone : directeur d’études sur l’économie japonaise à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, il avoue sa difficulté à porter un diagnostic sur la nature des difficultés de l’économie japonaise. Nous ne saurons donc pas si le Japon "est malade faute d’avoir lu la Harvard Business Review "  et ses recettes de potion économique magique, ou s’il trouvera un nouveau "meiji". Pour l’instant, l’injection massive de fonds par le gouvernement (57 milliards d’EUROS) dans le système bancaire japonais ressemble à une "nationalisation" de ce système bancaire….

Le feu d’artifice pour clore cette soirée aurait pu être la question relative à l’Europe ou aux 35 heures : faute de temps nous y avons échappé ! Pour ces deux thèmes, on se limitera à dire que dans le cadre des négociations "agenda 2000", la position française est d’arriver à stabiliser les dépenses en "Euros constants" et qu’il existe de bonnes chances que le dossier soit bouclé avant la publication de ce compte-rendu. Pour les 35 heures, le Ministre annonce une "seconde loi" sans en dévoiler le contenu…Affaire à suivre pour les "afficionados" du sujet.
Xavier Delvart (MP 1993)