Jean-Luc Sadorge nous reçoit dans la belle et récente Maison de la Région.
Il présente les politiques de la région Alsace en faveur des économies d’énergie. Première région de France
en terme de capteurs solaires installés par habitant, et région pilote en matière d’efficacité énergétique et de
bâtiments économes en énergie, l’Alsace se veut région de pointe et elle se réjouit donc de faire partie
des trois régions nominées pour le concours lancé au niveau européen par la DG régions.
Elle a structuré sa politique d’économie d’énergie autour de trois programmes prioritaires :
le programme « Energivie », le nouveau programme « Bâtiments basse énergie », le projet européen ILETE,
qui est un programme Energie Intelligence Europe (EIE).
1. Le programme Energivie
Un programme initié en 2000 et lancé en 2004 : démarré en 2004, ce programme régional de promotion des énergies renouvelables a pour objectifs de soutenir l’offre, d’encourager la demande, de faciliter la rencontre de l’offre et de la demande, d’atteindre des objectifs
quantifiés, de favoriser le développement économique par les énergies renouvelables et enfin de favoriser
les expérimentations. L’Alsace a bénéficié d’une aide européenne de 6,5 Millions d’euros suite à appel d’offres du
programme FEDER Innovation (Fond Européen de Développement Régional). Elle a axé sa politique sur la promotion du solaire
et de la filière bois à l’exclusion de l’éolien du fait de l’absence de vents en Alsace. Les cibles visées sont outre les
cibles traditionnelles (collectivités, associations et bailleurs sociaux), les nouvelles cibles (particuliers, habitat
collectif, tourisme, agriculture). Jean-Luc Sadorge estime que, parmi les clefs du succès, se trouvent, outre les aides
financières, les aides techniques et notamment : la mise en place d’accompagnateurs sur le terrain chargés de :
porter l’information aux maîtres d’œuvre et d’ouvrage potentiels, susciter l’émergence de projets, accompagner techniquement
les maîtres d’ouvrages dans les phases « études » et « travaux », faciliter les démarches administratives et financières ;
la communication et la sensibilisation surtout au travers de portes ouvertes, de visites d’installations, de réunions
d’information mais aussi grâce aux relations presse, aux inaugurations, à la publicité qui touchent des publics plus larges
(ex. le programme démarré autour d’une personne recrutée pour la promotion des énergies renouvelables dans la cadre du
programme 2000/2006 qui comprend aujourd’hui 9 personnes parmi lesquelles on distingue 4 accompagnateurs de projets
collectifs Energivie ayant chacun une zone géographique et une équipe d’animation du programme de 3 personnes chargée
d’une part de la coordination et de la communication du programme et d’autre part de l’animation des clubs solaires
et bois-énergie. La préparation de la deuxième phase du programme 2007-2013 a été l’occasion de définir de nouvelles
orientations.
Les orientations depuis 2006, et le point en chiffres en 2008 : La deuxième phase vise « à poursuivre la politique
incitative tout en l‘étendant à l’efficacité énergétique des bâtiments » selon le Président de Région , Adrien Zeller.
Du fait de l’importance de la demande qui est supérieure à l’offre d’énergies renouvelables, les orientations sont :
de renforcer l’offre ; suite à l’audit sur les installations subventionnées qui a fait apparaître des défauts dans 40%
des cas, d’améliorer la qualité de l’offre grâce à des formations, une charte qualité, des objectifs partagés,
des campagnes de communication ; de s’engager fortement dans la « basse énergie ». Les aides financières représentent
un montant de 8 millions d’euros pour 2008 (5 de la région et 3 de l’ADEME). Visant à privilégier les projets collectifs
tout en ne négligeant pas les particuliers, ces aides couvrent aussi bien les études que les investissements. Ainsi pour
les études de faisabilité les projets collectifs peuvent bénéficier d’une subvention allant jusqu‘à 70%
(35% par l’ADEME, 35% par la Région, avec une aide plafonnée à 21 000 euros). Pour les investissements des collectivités,
associations et habitats collectifs, les aides sont : pour le solaire : 30% par la Région Alsace + 250 euros/m2 plafonné
à 35% par l’ADEME ; pour le bois-énergie : 30% par la région Alsace + 10% par l’ADEME. Pour les investissements des
professionnels du tourisme et les agriculteurs les aides vont de 30 Ã 50% selon les cas. Globalement les objectifs
ont été atteints, mais ils étaient modestes jusqu’à présent. En ce qui concerne le solaire thermique on est passé de 392m2
installés en 2001 à 12 000 m2 en 2007 avec un objectif de 48 000 m2 en 2013 pour atteindre 250 000 m2 en cumul. En terme
de puissance, les nouvelles installations solaires photovoltaïques représentaient 0,8 MW en 2007 puis 2MW en 2008,
et devraient atteindre 12 MW en 2013 et représenter 50 MW en cumul à cette date. Enfin, pour les chaufferies collectives
bois, après les 7 chaufferies en fonctionnement fin 2001 pour une puissance totale de 2 MW, 37 MW étaient installés
fin 2007 (56 chaufferies en service) et l’on devrait atteindre 150 MW en 2013 (102 chaufferies).
2. Le programme « Bâtiments Basse Energie »
Il s’agit, dans le contexte international de politique environnementale
visant à diviser par 2 les émissions de gaz à effet de serre, et de 4 au niveau français à l’horizon 2050, de promouvoir
les bâtiments économes en énergie. La Région Alsace a donc signé le 18 novembre 2005 avec l’Etat une convention cadre pour
lancer la deuxième phase du programme Energivie afin de diviser par 4 les consommations énergétiques des bâtiments en Alsace
d’ici à 2025. Le programme « Bâtiment Basse Energie » (56 millions d’euros - ADEME+région -) pour l’ensemble des actions,
vise à obtenir des bâtiments résidentiels consommant 50 kWh/m2.an (au lieu des 250 kWh/m2.an actuellement constatés dans
l’ancien) pour la production de chaud et de froid. Les principaux outils de ce programme sont : un fonds tiers investisseur,
un appel à projets, un centre de ressources, des formations, un label régional en déclinaison d’Effinergie, des
campagnes de communication ciblées. Lancé en mars 2007 et ouvert jusqu’au 30 septembre 2008, l’appel à projets ADEME/ région
Alsace s’adresse aux maîtres d’ouvrage publics et privés et concerne tous les projets de construction et de réhabilitation.
L’objectif affiché est d’avoir un panel de bâtiments référents sur les divers secteurs. Les projets doivent respecter
le label BBC Effinergie-Chauffage-ECS¬Ventilation – de 50 kWh/m2.an pour le neuf (80 kWh pour la rénovation), et ils
bénéficient d’aides financières sur les études, pour l’investissement et pour l’instrumentation et le suivi des
consommations, avec obligation de remboursement si l’objectif n’est pas atteint. Le but de cet appel à projet est d’aider
l’innovation car le gain maximum en l’absence d’innovation est limité à 20 kWh. Les aides financières sont : 5 journées
d’expertise mises à disposition (phase étude et travaux), l’étude thermique (80% plafonné à 10 000 euros), des études
complémentaires -étanchéité à l’air, suivi particulier- (80%), des aides à l’investissement à partir de 40 euros/m2
SHON (surface hors œuvre nette), l’instrumentation pour le suivi (80%). Afin de permettre la mise en place de filière
le programme BBC comprend un volet formation : formations des professionnels (Convention avec la Fédération Française
du Bâtiment Alsace, Formation de Haut niveau à l’INSA,...), le centre de ressources pour la mise à disposition d’outils
de formation (logiciels, méthodes,...), d’outils d’information. Ce programme a permis de rénover 12 logements aux normes
« Basse Energie » en 2007, puis 50 logements en 2008. On devrait atteindre le rythme de 3000 rénovations en 2013 et celui
de 6200 logements rénovés en cumul à cet horizon. Le programme a déjà validé 12 projets et 12 bâtiments ont été
ramenés de 400 kWh à 77 à Mulhouse, les premiers bâtiments neufs BBC seront réalisés en 2008 et 2009.
3. Le projet ILETE - programme EIE
Le projet européen ILETE (Initiative for Low Energy Training in Europe)
est coordonné par la région Alsace au titre du programme EIE (Energie Intelligence Europe) suite à un appel
d’offres de la DG Energie. Les objectifs de ce programme sont de développer la formation initiale et continue des acteurs
devant participer à la réduction de la consommation d’énergie du secteur du Bâtiment mais aussi de favoriser
la dissémination de l’information et des outils de formation. ILETE réunit au sein d’un consortium des régions
au savoir-faire avéré et des régions au fort potentiel d’économies d’énergie [soit 8 régions : Bade-Wurtemberg
(Allemagne), Palatinat (Allemagne), Pays Basque (SP), Trentino (Italie), Tyrol (Autriche), Basse Silésie (Pologne),
West Romania (Roumanie) et Alsace (France) qui est coordinatrice]. Dans le cadre du projet ILETE, trois actions principales
sont prévues : développer des séminaires à destination des étudiants des universités, des écoles d’architecture
et d’ingénieurs (formation initiale), création d’un tronc commun de formation adressé aux formateurs des professionnels
du bâtiment (formation continue) (cet outil sera disponible via une plate-forme collaborative commune aux membres
du consortium) ; communiquer sur les certifications locales existantes sur le thème : bâtiments économes en énergie.
Concrètement, grâce à ILETE, un Collectif « Effinergie » de 4 Régions françaises (Languedoc-Roussillon, Franche- Comté,
Rhône-Alpes et Alsace) a pu être constitué pour contribuer à la mise en place d’un label national
« Bâtiments Economes en Energie » à partir de la transposition du label suisse et en partenariat avec le Programme
de Recherche et d’Expérimentations sur l’Energie dans le Bâtiment (PREBAT), en cohérence avec la Gestion des Chartes
qualité (Qualibois, Qualisol, Quali’PV,.. ) Qualit’EnR.
4. Conclusions
Un programme comme Energivie permet d’atteindre des objectifs
ambitieux dans un temps limité lorsqu’il est doté des moyens adéquats, financiers mais aussi humains ;
le volet communication est un paramètre essentiel ; les enjeux sont planétaires mais les leviers d’action
se situent au niveau des territoires ; la région est une bonne échelle pour conduire des politiques volontaristes.
Retenons des échanges que l’Allemagne est un bon exemple de pays ayant conduit une politique réelle de réduction des consommations
mais qu’elle a fait une erreur en subventionnant trop la biomasse ; la filière BOIS s’avère a posteriori un excellent
choix qui permet à la fois de contribuer à la réduction de l’effet de serre mais aussi au développement local. A cet égard,
Jean-Luc Sadorge tient à souligner que les 150 MW de cette filière seront obtenus grâce à 600 projets locaux et
quelques grosses opérations afin d’éviter le travers des gros projets (coûts du transport financier et énergétique).
Jean-François Cuvier (MP 1975)