MINI-MISSION/VISITE EN FRANCE
Valenciennes, Décembre 2015
Pôle ferroviaire: Alstom, CEF, ERA, I-Trans, Railenium, IFSTTAR

Programme, participants et contexte Usine Alstom de Petite-Forêt Centre d'essai ferroviaire (CEF) Pôle de compétitivité I-Trans Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR) Institut de Recherche Technologique (IRT) Railenium Agence ferroviaire européenne (ERA)



photo n°1 - 2015decembre_2 photo n°2 - 2015decembre_2 photo n°3 - 2015decembre_2 photo n°4 - 2015decembre_2 photo n°5 - 2015decembre_2 photo n°6 - 2015decembre_2 photo n°7 - 2015decembre_2 photo n°8 - 2015decembre_2 photo n°9 - 2015decembre_2 photo n°10 - 2015decembre_2 photo n°11 - 2015decembre_2 photo n°12 - 2015decembre_2 photo n°13 - 2015decembre_2 photo n°14 - 2015decembre_2 photo n°15 - 2015decembre_2 Photos André Chauvin et Bernard Jacob   (pour agrandir une photo cliquer dessus)


Usine Alstom de Petite-Forêt
1. Présentation de la société Alstom

La première société, dans l’arbre généalogique, est la Société alsacienne de construction mécanique (SACM), née le 27 juin 1872 à Mulhouse, du rapprochement entre la société André Koechlin et Cie (AKC) et l’usine de Graffenstaden. La première, constructeur de machines pour le textile, de locomotives et de turbines, et la seconde, constructeur de locomotives à vapeur, décidèrent de se regrouper pour être plus fortes face à leurs concurrents français, allemands et anglais. Mais craignant de passer sous tutelle allemande, après la défaite de 1870 et l’annexion de l’Alsace à l’Allemagne, la SACM créa à Belfort une antenne destinée au montage et à la finition de ses produits.

Déjà la concurrence est rude avec les ténors de la construction électrique tant français (Jeumont, Thomson, Grammont…) qu’étrangers, anglais, allemands, américains (General Electric, Siemens, AEG, Westinghouse…). Aussi en 1928, la SACM (alsacienne) et la Compagnie française Thomson-Houston (CFTH), filiale française de General Electric, fusionnent une partie de leurs activités de génie électrique et de transport ferroviaire dans une filiale commune, Als.Thom, contraction des noms des deux sociétés. Un nom qui se transformera en Alsthom en 1932, et Alstom, à l’introduction en bourse en 1998.

La société s’est positionnée très tôt sur les transports urbains (tramways dès 1895) et sur les locomotives électriques, qui remplacent les locomotives à vapeur (dès 1911), puis les locomotives diesels-électriques (1939).

La région de Valenciennes est le foyer du matériel ferroviaire, avec historiquement deux usines qui ont changé de propriétaires : usine CIMT devenue Alstom et ANF reprise par le canadien Bombardier. L’usine d’Alstom est à l’origine de quelques prouesses : - les rames à 2 niveaux, pourvues de 3 portes par rames pour faciliter les descentes et montées des voyageurs ont nécessité des études complexes pour concevoir les motrices. Pendant longtemps les ingénieurs ont considéré ce type de rame comme infaisable. Elles ont d’abord été réalisées pour la SNCF, puis la RATP en a commandé pour le RER A. Les deux usines se sont alliées pour répondre aux appels d’offres. La RATP a exigé trois motrices pour faciliter l’accélération, et l’énergie de freinage est récupérée. On trouve un matériel similaire en Suisse. - de cette usine, sont aussi sorties les rames automatiques de la ligne 14.

Valenciennes Petite-Forêt est l'un des 9 sites d'Alstom Transport en France. Il regroupe actuellement 1 350 salariés (27 % d'ouvriers, 35 % de techniciens et 38 % d'ingénieurs et cadres). Il conçoit et produit différents types de matériels ferroviaires :
- les tram-trains (Citadis dualis),
- les métros avec le Métropolis, le contrat MF2000 et le contrat MP05,
- les trains régionaux à 2 niveaux avec le Coradia Duplex et les rames RER à deux niveaux de l’agglomération parisienne, lignes A et E.

Alstom Transport a remporté un contrat de plus de 2 Mds d'euros avec la RATP, le Syndicat des transports d'Ile-de-France (Stif) et la Société du Grand Paris (SGP), pour fabriquer les nouveaux métros parisiens. Alstom construira ainsi jusqu'à 217 trains MP14, un tout nouveau modèle, pour renouveler les métros automatiques des lignes 1, 4, 6 et 11, et fournir les premiers métros du futur réseau du Grand Paris Express, à déployer progressivement à partir de 2019.

D’une manière générale les trains sont conçus pour durer 30 ans mais dans la réalité, il est possible de les entretenir pendant 40 ans. Ainsi les rames du TGV sud-est lancées en 1978 ont été reconditionnées en 2000 et leur vitesse commerciale est passée de 260 à 300 km/h.
François Lacôte (MP1977)

2. Présentation de l'usine et du site

Dans la suite des recompositions capitalistiques, Alstom a changé récemment de périmètre en cédant son pôle énergie à General Electric, à l’exception des joints-venture de livraison de turbines et de parcs éoliens. Le transport reste la principale activité d’Alstom. En échange, la signalisation de GE Signaling a rejoint Alstom. Ce qui fait d’Alstom le n° 2 sur ce domaine derrière Siemens. En définitive, le pôle transport couvre 4 domaines : - la construction des trains, pour 50 % du CA, - la signalisation, - les services, - la vente complète et le financement de système de transport, de type concession.

Les clients sont principalement les transporteurs français, RATP et SNCF, mais aussi à l’étranger, en Inde, en Chine, et autres pays à forte croissance. Mais pour ces marchés, seuls des composants sont fournis, car les pays sont eux-mêmes dotés de grandes sociétés de construction ferroviaire qui ont su profiter de transferts de technologies. Les Chinois génèrent 25 Md€ de CA alors que les leaders occidentaux (Alstom, le canadien Bombardier et l’allemand Siemens) font 6 à 7 Md€ à eux trois dans le secteur des transports.

Alstom compte 9000 salariés. Le siège est à Saint-Ouen. Les sites intégrateurs sont Valenciennes, Petite-Forêt, avec 1250 salariés, La Rochelle (pour le TGV et les tramways), Belfort pour la motorisation concentrée, Reichshoffen en Alsace pour les trains régionaux et enfin Tarbes. En comparaison, Bombardier est plus important avec 36 000 salariés, mais en incluant la branche aéronautique.

Sur le site de Petite-Forêt, les trains sont conçus, construits et testés. La production est d’environ 100 rames par an, métro, tram-train (livrés à Lyon, Mulhouse et Nantes), et trains périurbains à 2 niveaux, soit 40 à 50 voitures par mois. De nombreuses entreprises de la région sont associées et fournissent près 60 % des éléments constitutifs des trains.

Les recherches portent sur des solutions souples, comme le roulage sur pneus qui évite la pose de rails, permet de meilleures accélérations notamment par temps de pluie, tout en nécessitant un guidage central pour faciliter la conduite, à partir des techniques mises au point par l’alsacien Translohr, racheté par Alstom. Alstom a aussi conçu et livré les tramways alimentés par le sol (sans caténaires), pour les villes de Bordeaux, Orléans, Angers, Reims et Dubaï. Pour mémoire, le premier système de métro automatique, le VAL conçu par Matra, a été repris par Siemens. Le métro de Toulouse est un VAL de Matra, et le métro de Roissy un VAL construit par Siemens. Il semble que beaucoup de systèmes innovants ont vu le jour dans de petites structures, à une époque où les constructeurs historiques se reposaient sur leurs acquis, mais ces structures n’ont pas eu les reins assez solides pour survire, face aux aléas de la concurrence et des marchés.

Les métros automatiques des lignes 14 et 1 de Paris sont sortis de l’usine de Petite-Forêt après un premier métro automatique vendu à Singapour, vitrine de la technologie française.

Et les vieux trolleybus de cartes postales ? Ont-ils tous disparu après la dernière guerre ? Et bien non, on en trouve encore à Lyon, Saint-Étienne, Limoges et Nancy.

Les prochaines avancées porteront sur la signalisation embarquée qui permettra de s’exonérer des échanges machine-sol et d’améliorer la fluidité du trafic. Désormais les trains communiqueront entre eux, et se caleront les uns par rapport aux autres. Le matériel pourra commander la voie et les aiguillages et non plus l’inverse (aujourd’hui la voie impose au train sa vitesse et son trajet). Le métro devient à son tour intelligent.
Christophe Gourlay, directeur du site, propos rapportés par Pierre-Yves Landouer (MP1984)

3. Visite de l’usine

Equipés d’un casque et de chaussures de sécurité, nous démarrons la visite de l’usine. Tout commence par la caisse, appelée ici « chaudron ». Elle sera positionnée sur les bogies et recevra l’habitacle. La plupart des éléments sont préfabriqués, parfois loin, en Pologne notamment. Les sous-ensembles sont acheminés par camions et les rames légères, tramways, métros, partent aussi par camions. Seules les rames de RER, adaptées au gabarit ferroviaire, partent par le réseau ferré. Le pavillon est le toit de la rame, si possible en matériau léger, aluminium, alors que la caisse est en acier, plus robuste et plus lourd, ce qui abaisse le centre de gravité. La soudure de l’aluminium est plus complexe que celle de l’acier, qui se reconnaît à la couleur rouge pâle de sa protection antirouille. En fin de construction, la rame est grenaillée avant de recevoir des couches de peintures, comme les voitures ou les avions.

La construction est gérée par la méthode lean, tenant compte des temps de montage pré-étudiés. Contrairement à la fabrication en chaîne des voitures, il y a peu de mécanisation ou robotisation sur les chaînes de montage ferroviaire. Beaucoup de travail se fait par en-dessous, ce qui exige de la part des ouvriers des positions peu confortables, les bras levés. C’est une des problématiques de ce travail, qui de surcroît concerne des salariés stables, donc vieillissants.

La rame avance le long de la chaîne de montage étape par étape, passant en général 4 jours par poste, et sur huit postes. Le montage nécessite donc 32 jours de travail. Ces étapes contrôlables et mesurables sont réceptionnées par le client et facturées au fur et à mesure. Le client est présent dans l’usine, avec ses propres équipes de contrôle. Toutefois, les pays émergents ont tendance à payer à la livraison, ce qui induit une autre approche de la fabrication. On ne pourrait pas remédier à un défaut s’il n’était constaté qu’à la livraison, d’où l’importance des essais de contrôles, une autre spécialité du site de Petite-Forêt.
Pierre-Yves Landouer (MP1984)